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PRÉFACE 19


se préparant entre Madame Rimbaud et son fils Arthur. Déjà elle avait été émue par les échos de leurs premiers dissentiments.

Quel désarroi pour le cœur d’une enfant de dix ans que de sentir la mésentente entre les deux affections maîtresses de sa vie, entre les deux pôles de son être ! La petite Isabelle se trouvait déchirée. D’une part, sa mère, c’est-à-dire la suprême raison, l’infaillible autorité, les soins toujours vigilants, le foyer enfin ; de l’autre son frère, la beauté, le rêve, l’art, l’aventure, le génie : il est déjà tout cela pour elle. Lequel de ces deux êtres a raison? L’un d’eux pourrait-il avoir tort ? Ah! la fillette ne juge pas; elle souffre tout simplement.

Pour la première fois, en cette nuit de septembre 1870 qui suivit la première fuite du poète vers Paris, elle fait véritablement connaissance avec la douleur. L’angoisse de l’invasion proche (Isabelle Rimbaud devait la connaître à nouveau en 1914) pesait sur Charleville en fièvre et se mêlait au supplice de la mère parcourant la ville à la recherche de son fils. Voit-on les deux petites Rimbaud, emmenées par les rues, tant bien que