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LA MER ET LES POISSONS.

la disette. Aurons-nous enfin le bon sens de sortir de cette mauvaise voie ?

Voilà bien des années déjà, que nous luttons pour le triomphe de cette vérité palpable, nous ne dirons pas au sens commun, mais au sens marin, que s’il y a fatalement une culture du sol, il n’y a pas nécessairement, ni utilement, une culture des eaux. Vainement avons-nous écrit un livre, l’Industrie des eaux salées[1], afin de démontrer que la pêche modérée, la pêche judicieusement réglée est la seule exploitation raisonnable des fruits du domaine aquatique : il ne cesse de survenir de nouveaux partisans de la grande, mais folle idée, qu’il est possible de gérer la production de la mer comme nous gérons celle de la terre.

Serait-ce parce que nos assertions et nos preuves manqueraient de cette autorité du savoir et de la bonne foi qui impose la confiance ? Non, puisque de l’aveu même de nos contradicteurs, notre ouvrage, « d’une grande valeur technique, écrit avec une intelligence spéciale, plein de renseignements précieux et d’indications lumineuses, révèle autant de netteté dans les vues que de conscience et de talent dans la manière de les exposer, et se résume en exprimant des convictions laborieusement acquises ». C’est donc parce que dire vrai n’est pas absolument le moyen d’être convaincant auprès des personnes trop attachées à de brillantes illusions.

Selon ces esprits doués d’une imagination ardente, aussi éclairés que généreux, mais peut-être étrangers à ces questions de la mer et des poissons, ordinairement peu familières aux hommes de science, nous nous serions trop hâté de condamner l’aquiculture en la jugeant, d’abord, par les échecs

  1. 1 vol. in-8o ; 6 fr. ; Challamel aîné, éditeur, 27, rue de Bellechasse, Paris.