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LA MER ET LES POISSONS.

nous substituions d’autres engins triant les récoltes et n’en retenant que les produits parvenus à un degré de développement déterminé, il devrait inévitablement survenir une diminution de la quantité de poisson pêchée. L’approvisionnement des halles serait moins considérable qu’il n’est aujourd’hui. Par suite, le prix de la marchandise aquatique renchérirait, ce qui serait une compensation pour les pêcheurs dépossédés de leurs instruments trop actifs, et ferait que le consommateur se ressentirait seul de la disette de poisson amenée par la proscription des filets traînants.

C’est là tout et pour quelques années seulement, car il n’est pas déraisonnable d’espérer, qu’une fois prise, l’habitude de n’user que de pratiques offrant le triple avantage de ne pas bouleverser les emménagements naturel des fonds, de protéger les premières phases de la fructification et d’épargner, dans la mesure nécessaire, les éléments multiplicateurs, nous verrions bientôt l’abondance renaître sur nos marchés, non plus en monceaux de fretin, mais en beaux étalages de poissons développés, représentant encore plus de nourriture par leur poids que par leur nombre.

Telles seraient, en effet, les conséquences de la réforme : un peu de gêne dans les commencements ; puis, un bien sensible et durable, la profusion de l’un des aliments le plus susceptible de foisonner et, avec elle, le retour du bon marché des autres denrées comestibles. Ces avantages valent bien l’argent qui serait employé à indemniser les pêcheurs de la condamnation d’une partie de leur outillage.

Véritablement, pendant les années de pénurie qui suivraient la suppression de la pêche à la traîne, nous vendrions moins de poissons aux Anglais et, peut-être, leur en achèterions-nous un peu, mais qu’importe ? Vaut-il mieux que, laissant notre pêche côtière se consumer dans l’ornière que ses funestes routines