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LA MER ET LES POISSONS.

ferments de richesses variées que la nature a répandus sur toute la surface solide du globe. C’est ici, et non là, que « le succès doit être le couronnement du nécessaire ».

Après tout, ce que nous contestons, c’est moins le succès scientifique que l’utilité pratique de l’aquiculture. Dans notre livre, l’Industrie des eaux salées, nous avons écrit, page 228 : « Nous aimons la pisciculture et nous ne l’aimons pas ; nous l’aimons pour le bien qu’elle peut faire en se renfermant dans le rôle qui lui appartient ; nous ne l’aimons pas parce que, née vantarde, elle assimile son importance à celle de l’agriculture et voudrait follement substituer son travail utile, mais laborieux, difficile et nécessairement très-limité, à l’œuvre immense, universelle et se produisant toute seule, de la nature. »

C’est, en effet., notre profonde conviction que, si les procédés artificiels sont bons à quelque chose, ce ne peut être que pour le transport du germe du poisson dans les cours d’eau déserts ou privés des espèces dont la propagation serait désirable. Hors de là, nous ne voyons pas de rôle pour la pisciculture. Évidemment, elle n’a que faire là où la nature n’a pas été dépossédée des éléments de reproduction, ni là où ils lui ont été rendus ou apportés, car l’œuvre naturelle, même dans les eaux douces, ne demande qu’à être respectée et protégée pour se dérouler expansivement.

Vous refusez de reconnaître cette vérité, dites-nous alors, nous vous prions, ce qu’il y aura à attendre de vos opérations de laboratoire, appliquées à la mer, lorsque vous aurez résolu le problème jusqu’ici insoluble de la fécondation artificielle de la semence des animaux marins, ou que, les ayant pliés à la stabulation en les affranchissant du besoin de mouvement, vous les aurez amenés à frayer dans vos réservoirs ? Mais voyez plutôt combien ce serait inutile.