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LA MER ET LES POISSONS.

tivons les produits du sol, donc nous devons cultiver les produits de l’eau ; nous avons acclimaté le dindon, domestiqué la poule et le lapin, nous devons réussir à domestiquer le poisson.

Vraiment, nous sommes profondément étonné de voir ainsi comparer deux ordres de choses si essentiellement différents que l’un appelle la culture autant que l’autre y est réfractaire. En effet, presque tout ce qui entoure l’homme et respire dans la même atmosphère que lui, est prédestiné à la domestication ; au contraire, tout ce que vit dans l’abîme des eaux se dérobe à toute autre domination que celle de la nature.

C’est là, dit-on, une simple énonciation, un argument contestable. On se trompe ; c’est l’expression de la vérité affirmée par plus de deux mille ans d’expériences, tantôt abandonnées, tantôt reprises et auxquelles notre département de la marine a, durant ces dernières années, consacré dix fois plus d’argent qu’il n’en faudrait pour ramener l’abondance dans nos eaux territoriales en expropriant l’industrie des pêches de tous ses engins déprédateurs. Deux mille ans d’insuccès opposés à une prétention anti-naturelle, quoi de plus irréfutable ? Quoi de plus convaincant que l’expérience des siècles nous disant : l’aquiculture est un vain mot ; du germe d’un art si lent à s’affirmer et à se développer, il n’a pu et ne pouvait advenir qu’un avorton ?

« Doucement, nous crient les ennemis de la vérité, vous êtes seul à soutenir cette opinion. » Qu’importerait que nous fussions seul, si notre opinion est fondée ? Les idées qui ont pour elles la logique et la raison ont bientôt fait leur chemin dans les esprits. D’ailleurs, nous ne sommes pas seul, quoi qu’on en dise : les hommes compétents sont avec nous. En voici un, par exemple, dont l’avis a une grande valeur ; c’est l’auteur des Etudes sur les pêches maritimes dans l’Océan et la Médi-