Elle s’avança vers le roi, étendit sa main décharnée, armée de longues griffes pointues, et, saisissant le roi, elle s’écria, d’une petite voix aiguë :
« Écoute, roi ! Écoute, peuple ! Ciel, terre, morts et vivants, écoutez ! Je prophétise ! Je prophétise ! »
Ses paroles expiraient en une faible plainte, et la terreur avait saisi chacun des auditeurs et nous aussi.
La vieille femme reprit :
« Du sang ! du sang ! Ce sont des rivières de sang ! Je le flaire, je le vois ! Quelle odeur que celle du sang ! Je m’en repaîtrai encore ! Je vois des empreintes, ce sont les pas du blanc. La terre tremble sous son maître. Je suis vieille ! J’ai vu beaucoup de sang répandu ! J’en verrai encore. Les vautours poussent des cris de joie ! L’homme blanc vient. Malheur ! Malheur ! Dites-moi qui a fait cette grande route ? Qui a creusé ces abîmes et a dressé ces trois Solitaires qui veillent là-bas ? Vous l’ignorez ! Eh bien ! C’est le peuple blanc qui était ici avant vous.