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M. Riffard prend les devants et va porter la nouvelle de mon arrivée. Aussitôt ces messieurs montent à cheval et viennent à ma rencontre ; j’entrais dans la ville lorsque je vois cette cavalcade à laquelle prenaient part quelques négociants européens de l’endroit. Impossible de décrire la surprise et la joie générales. Douze ans avant, j’arrivais presque dans les mêmes circonstances sur les côtes de Tche-fou, le 6 juillet, veille de l’anniversaire de ma naissance et de la fête de saint Félix de Nantes, mon patron. Le soir, M. Dubail, supérieur de la mission de Mandchourie annonça une bénédiction solennelle du Saint-Sacrement pour remercier Dieu de ma délivrance. Avec quel bonheur, je bénis l’assistance, tenant en mes mains notre divin Sauveur et comme je pensais à tous mes parents, à tous mes amis ! Je renonce à décrire tous les témoignages d’affection et les congratulations que me prodiguèrent nos confrères et grand nombre de résidents européens de ce lieu, sans oublier les bonnes religieuses de la Providence de Portieux qui recueillent les petits orphelins de la Sainte-Enfance et font un bien immense par toutes leurs bonnes œuvres.

Je restai trois jours au port et, le 10, accompagné de MM. Dubail, Raguit et Lalouyer, je me rendis à Yang-Kouan où nous trouvâmes M. Richard qui, averti à temps par une lettre envoyée de Niou-tchouang, s’était empressé de venir à ma rencontre. Le lendemain je pars en compagnie de M. Richard, et, le 12, nous arrivons à Notre-Dame des Neiges où l’on s’était empressé de préparer une fête pour ma réception. En effet, à deux kilomètres du village, nous rencontrons un cortège, des chariots chargés d’enfants tenant des étendards à la main, des cavaliers avec fusil en bandoulière, etc., etc. Un petit chariot était préparé pour me recevoir, j’y monte et la procession se déroule et marche au son de la musique. Sans doute jamais dans le pays on n’avait vu fête semblable, aussi, de tous les villages, les païens accourent pour voir ce spectacle. À l’entrée du village je revêts le rochet et la mosette et la procession organisée par MM. Mutel et Liouville se rend à l’église où l’on chante un Te Deum en actions de grâces ; puis je bénis l’assistance pieusement prosternée. Ainsi se termine le voyage. J’avais été violemment séparé de mes quatre missionnaires restés en Corée, ici j’en trouvais trois autres tout disposés à aller porter secours à leurs frères, quand le moment de la Providence sera venu. J’avais changé de lieu, mais pas de famille, car, grâce à Dieu, tous les missionnaires de Corée ne forment qu’une famille et continueront