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de questions, ils voulaient m’entendre parler. Ici surtout, on me demandait quel commerce j’étais venu faire en Corée, ils ne pouvaient comprendre que j’eusse fait tant de voyages, que je me fusse exposé à tant de dangers, simplement pour prêcher une doctrine. C’est dans cette ville que j’appris la mort de la reine Kim-tai-hpi décédée à Syéoul le 11 juin, 11 de la cinquième lune, le jour même de mon départ. C’était la femme du roi Tchyeul-tjyang prédécesseur immédiat du roi actuel.

XIV

Le lendemain nous partons d’assez grand matin, nous quittons la province de Kyeng-Keui pour entrer dans celle de Hoang-hâi. Dans la soirée nous passons la rivière de Tot-nye-oul (passage du parc) pour aller coucher à Hpyeng-san, petite ville où je rencontrai un mandarin qui fut très-poli. Sur la route j’eus occasion de voir plusieurs mandarins, ils m’ont paru assez braves gens, mais presque tous se drapaient dans l’extérieur d’une dignité affectée. Celui-ci qui paraissait assez jeune vint me voir. Il me fit beaucoup de questions raisonnables, et écoutait assez volontiers les réponses. Nous eûmes ainsi une longue conversation, assez sérieuse d’ailleurs, en présence de tout un auditoire, la grande chambre où l’on m’avait mis était remplie. Ils paraissaient enchantés, lui et tout son entourage, d’entendre tant de choses nouvelles pour eux. Le soir, j’étais sur le point de me coucher lorsqu’il revint. « J’ai eu tant de plaisir, me dit-il, que je suis revenu, je désirerais encore vous entendre. » Je le reçus le plus poliment possible, et je profitai de l’occasion pour parler de religion, exposant les principes, les preuves, la morale, etc. Tous étaient ébahis et disaient : « Comment ! c’est cela leur religion ! mais c’est bien beau ! — Tiens, disaient d’autres, c’est un homme juste, ils sont tous comme cela ces Européens, et leurs disciples, les chrétiens sont aussi de même. Ce n’est pas étonnant, leur religion leur défend de se mettre en colère, de se battre, de faire tort à autrui, de voler, de dire des injures, de s’enivrer, de prendre la femme des autres, etc. » Je profitai de l’occasion pour demander si on arrêtait les chrétiens ; « Non, me dirent-ils, ici on n’en a jamais arrêté, il n’y en a pas dans le district, mais dans le voisinage il y en a plusieurs. »

Parmi les curieux vinrent quelques courtisanes, en les aperce-