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des Tyos-yen, actuellement au pouvoir ; ceux-ci dédaignent tout ce qui est commerce et négoce, n’estimant que les emplois honorables du gouvernement, et aussi l’agriculture qui toujours a été en honneur dans le pays. Du reste, les habitants de Syong-to leur rendent bien leur mépris, les vieilles haines ne sont pas éteintes, et ils attendent toujours patiemment l’heureux jour où la capitale sera de nouveau transférée de Sye-oul dans leur ville.

En entrant nous traversons une longue rue de la ville marchande où, de chaque côté, sont exposés les objets les plus divers de l’industrie coréenne, les produits des huit provinces, et tous les objets de commerce venus de l’Europe par la Chine, soit sur les barques chinoises qui viennent faire le commerce sur la côte ouest, au milieu des îles, soit sur les nombreuses charrettes qui, chaque année, accompagnent de Hpyeng-yang jusqu’à Pyen-men les ambassadeurs coréens se rendant à Pékin. Dans cette rue, et je pourrais dire dans cette ville, toutes les maisons sont des magasins, tous les passants sont des marchands ou colporteurs, circulant en chantant sur un ton différent pour vendre leurs marchandises. Nous passons tout ce quartier sans être remarqués, mais à peine sommes-nous rendus à la porte de la ville murée que l’éveil est donné, la nouvelle se propage dans un instant, et de tous les côtés accourt une foule de curieux qui nous entourent, nous assiègent ; nous pouvons à peine avancer, les satellites, les soldats du pays arrivent pour nous ouvrir passage au milieu de ce brouhaha. La population de cette ville est curieuse, mais nullement hostile, les habitants paraissent même de caractère doux et tranquille. Tous sont proprement et même richement vêtus. Rien de plus curieux que les groupes qui, perchés sur les murailles, ou accumulés sous les pavillons des portes, attendent mon passage. Tous ces habits de cent couleurs diverses font penser à une corbeille de fleurs ; il n’y a peut-être aucun peuple qui ait autant d’attrait pour les couleurs voyantes dans les habits ; ici nous apercevons les hommes, les enfants, que serait-ce donc si les dames s’étaient mises de la partie ?

Enfin nous voici entrés dans une maison du gouvernement, il semble que nous allons y être tranquilles ; pas du tout, la position est enlevée d’assaut et dans un instant tout est envahi. Je sors une fois, deux fois pour contenter l’envie qu’ils ont de me voir. « Tiens, disent-ils, mais c’est un homme comme nous, il n’y a pas de différence ; s’il voyageait sans qu’on le sût, qui pourrait le reconnaître ? » Les plus rapprochés me faisaient une foule