Page:Ridel - Relation de la captivité et de la délivrance de Mgr Ridel, 1879.pdf/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 71 —

nairement d’une tasse de riz accompagné d’un bouillon, puis de plusieurs petits plats composés d’œufs, de viande de bœuf, de porc ; des herbes, des assaisonnements de choux ou navets ; des confitures de piment et d’autres préparations que je ne con- naissais pas, mais qu’on trouve toujours en abondance et bien accommodées dans les mandarinats.

Ce jour là, je fus émerveillé sur la route par la vue de deux statues gigantesques. Ce sont deux grands rochers qui s’élancent perpendiculairement sur le flanc d’une montagne. On les a taillés en forme de statues. L’artiste a été assez habile, et, vues d’une certaine distance, elles offrent un ensemble assez pittoresque et régulier. L’une, taillée à gros traits, a la figure des anciens Coréens, l’autre tout aussi gigantesque, mais avec des formes plus arrondies est, dit-on, la femme du premier ; on les appelle les géants, leur véritable nom est Hpa-tjyou-mi-ryek, ce qui veut dire les Fô en pierre du district de Hpa-tjyou. Elles remontent au temps de la dynastie des Kaoli ou Kori d’où est venu le nom de Corée que porte toujours en Europe la presqu’île de ce nom.

Nous arrivâmes bientôt à un village où citadelle bâtie sur un coteau, il domine de toute sa hauteur la rivière qui s’étend à ses pieds, c’est le fort de Im-tjin qui donne son nom à la rivière. Une muraille haute et épaisse défend cette position et la route de la capitale. Les grandes jonques peuvent remonter cette rivière que nous passâmes en bateau. De l’autre côté il y a un petit village, c’est là que j’ai vu l’homme géant. Il est assis sur une natte, sa taille est élevée, il reste immobile, ne remue même pas la tête, se contentant de faire tourner ses yeux dans leur orbite, de manière à se rendre effrayant. À côté de lui est une lance énorme comme un mât de barque, et surmontée d’un long fer. En le voyant, on pense naturellement à Goliath ; sa fonction est de surveiller tous les passants et de défendre le passage de Im-tjin.

Le soir de ce jour, nous devions aller coucher à Syong-to ou Kai-syeng, ancienne capitale de la Corée sous la dynastie des Kaoli. Bientôt en effet, tout sur la route fut pour nous un indice que nous approchions d’un lieu célèbre. De grands tombeaux, avec de vieilles pierres tombales, des ponts en pierre qui annoncent un travail de géants et dont les ruines restent comme témoins de la splendeur de l’ancienne capitale des Kaoli. Actuellement c’est encore la ville la plus commerçante de Corée, et les habitants de Syong-to sont réputés pour leur instinct mercantile, ce qui les fait mépriser de leurs vainqueurs, de la dynastie