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les conducteurs devaient être aussi remplacés. Les quatre porteurs s’engagèrent à aller jusqu’à la frontière. Après nous être reposés un instant, je remontai en chaise et nous continuâmes notre route. J’étais assez à l’aise dans ce petit véhicule qui ne ressemble pas mal à une civière. Assis les jambes croisées, j’étais mollement bercé ; c’est un moyen lent, mais assez sûr pour voyager. Du moins je pouvais me recueillir tout à mon aise, j’en avais bien besoin ; je pouvais aussi respirer l’air salubre de la campagne et purger mes poumons de tous ces miasmes malfaisants et infects que j’avais dû respirer pendant cinq mois. Les environs de la capitale sont d’un aspect charmant ; des collines légèrement ondulées ; puis dans le fond des hautes montagnes parmi lesquelles le Sam-Kak-san, partout des champs, partout de la verdure, puis des bois, des forêts, de grands arbres que l’on conserve avec soin. Nous entrons dans un défilé creusé dans les rochers qui, couverts d’arbres, s’élèvent à pic de chaque côté, c’est la grand’route que la nature seule se charge d’entretenir, comme à peu près toutes les routes dans ce pays. Vers le milieu du jour nous entrons à Ko-yang, petite ville distante de 40 lis ou 4 lieues de la capitale ; le mandarin vient me voir et bientôt toute la population de la ville a envahi le mandarinat.

Dans l’après-midi, nous faisons encore quarante lis et nous nous arrêtons à la ville de Hpa-tjyou pour y passer la nuit. Je n’ai pas l’intention de vous conduire ainsi de station en station, ce serait un voyage trop monotone ; je me contente de relater les principaux incidents, etc., etc., et à la fin pour compléter vos notions géographiques, je vous donnerai la liste des villes que nous dûmes visiter et qui servent d’étapes pour les voyageurs du gouvernement. En arrivant à Hpa-tjyou nous trouvâmes les prétoriens qui s’exerçaient au tir de l’arc. Tous vinrent me voir, ils avaient tant de choses à dire et à me demander, que nous ne pûmes nous coucher que très-tard. Le lendemain pour me laver on me servit de l’eau dans un bloc de granit, creusé en forme de vase, ayant à la partie inférieure un orifice pour laisser échapper l’eau, après s’en être servi. Ce système est très-commode, chacun vient à son tour à ce bassin, un seau est placé à côté, puis, sur le bord, une petite tasse pleine de sel pour se nettoyer la bouche et les dents, ce que les Coréens ne manquent pas de faire chaque matin. On me servit un déjeuner assez abondant, et pour ne plus y revenir, je dois dire ici que, sur toute la route, sous ce rapport j’ai été bien traité, ayant suffisamment et même abondamment de quoi me nourrir. Le menu se composait ordi-