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des Oliviers ; je me recommandai à la Sainte Vierge, lui confiant mes pauvres missionnaires, mes chers enfants que j’allais quitter et tous nos pauvres chrétiens. Oh ! combien il y a longtemps que cette belle mission de Corée vit dans les catacombes ! que de persécutions elle a endurées ! elle semble toujours à l’agonie ! elle gémit dans la douleur et les larmes. Que de ruines ! quel long martyre ! et voilà que je suis encore forcé de m’éloigner ! Que vont devenir nos chrétiens ? Que vont devenir mes confrères ? où sont-ils ? que de souffrances, que d’anxiétés ils ont dû éprouver ! Mon Dieu, que votre sainte volonté soit faite toute entière ! Conduisez-moi de la manière qu’il vous plaira, je suis tout à vous et pour toujours à vous, disposé à endurer de plus grandes souffrances encore à la suite de notre bon Maître, à boire le calice d’amertume jusqu’à la lie pour votre plus grande gloire, pour votre amour, soumis en tout à votre sainte volonté, la règle de toutes mes pensées, de toutes mes actions.

Je m’endormis dans ces pensées, et le lendemain, 11 juin, nous fûmes debout de bonne heure. Il nous fallut attendre longtemps les porteurs qui étaient en retard, puis les chevaux pour les bagages qui n’arrivaient pas ; c’est ainsi que toujours tout se fait avec ordre et promptitude dans le pays de Corée. Enfin, on m’annonce qu’on va partir ; déjà un grand nombre de personnes se sont réunies dans la cour du tribunal pour me voir. Ceux qui me connaissent me souhaitent un bon voyage. Je m’assieds dans la chaise où l’on me renferme comme dans une cage, en ayant bien soin de rabattre les rideaux, afin que personne sur la route ne puisse m’apercevoir. Deux porteurs soulèvent la chaise, on part. À travers le treillis, qui sert de porte à mon véhicule, je puis voir la grand’rue que nous suivons, c’est un véritable boulevard se prolongeant à perte de vue, de chaque côté se trouvent des maisons en terre, couvertes de paille, si petites, si basses, qu’on se demande si ce ne sont pas des habitations de castors. À la capitale, on est si accoutumé à voir passer de tels cortèges, que personne ne fit attention à nous. Bientôt nous franchissons la porte de la ville, plusieurs satellites qui nous avaient accompagnés jusque-là nous quittèrent, et continuant notre route nous nous trouvâmes dans la campagne où nous fîmes une halte. Je pus sortir un instant pour examiner le personnel de notre caravane. Un petit mandarin à cheval nous avait rejoints, on me dit qu’il devait m’accompagner jusqu’à la frontière. Deux satellites devaient venir jusqu’à la première station et devaient être remplacés ainsi successivement dans chaque station ; les chevaux et