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chacun fouillant dans les caisses avait pris tout ce qui était à sa convenance. Tout ce qui avait quelque valeur, tel que montres, calices, etc., jusqu’aux ampoules des saintes huiles, tout avait disparu. J’avais trouvé la petite boîte d’un anneau auquel je tenais beaucoup, puisque c’était un souvenir de Mgr Jacquemet, évêque de Nantes, de qui j’avais reçu tous les ordres sacrés. Je cherchai l’anneau, le chef des satellites me dit : « Il doit y être, je l’ai vu hier. » Nous cherchâmes en vain, il avait disparu. Ainsi, même après que le gouvernement avait décidé de me rendre ce qui m’appartenait, on m’avait encore volé. Les objets furent remis dans les caisses que l’on ferma avec grand soin en les cachetant. La précaution était un peu tardive.

Tous les satellites, surtout ceux du tribunal de droite, vinrent me faire des amitiés et me féliciter de l’heureux succès de cette affaire et du bonheur que je devais éprouver de prendre ainsi le chemin de mon pays. Je ne partageais pas tout à fait leur sentiment, aussi l’un des chefs me dit : « Tu n’as pas l’air content de retourner dans ton royaume, mais dis-moi, aurais-tu commis quelques crimes contre ton gouvernement ? » Je répondis simplement : « Non, je n’ai commis aucun crime contre mon gouvernement. » Pauvres gens ! ils ne comprenaient pas mes sentiments ! il était inutile de leur expliquer ma position, encore moins mes résolutions d’avenir. Chassé de force de Corée, je n’abandonnais pas pour cela ma mission ; mais quand pourrais-je revenir au milieu de mes enfants ? Puis la pensée du sort réservé aux prisonniers !… J’avais bien des motifs d’être sérieux, j’en entendis un autre qui disait : « Il faut vraiment que ce soit un homme bien-aimé du ciel ; quelle chance il a eue ! Jamais jusqu’ici on n’avait vu chez nous une chose semblable. »

XIII

Le 10 juin, on me remit des habits neufs de mauvaise toile en me disant que le lendemain je devais quitter la capitale. Le soir, assez tard, quelques satellites du tribunal de droite vinrent avec leur chef Ni, qui, avec sa figure fourbe et son rire faux, me dit : « Tu vas retourner dans ton pays, par conséquent, tu n’auras plus besoin des livres coréens ni des livres chinois que personne ne connaît chez toi. Nous avons l’ordre du préfet de police de retirer tous ces livres de tes caisses et de les brûler ici devant