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quand j’entendis le juge crier assez haut : « As-tu étudié près de l’Européen ? » On arrêtait donc toujours les chrétiens. Combien étaient-ils ? qui étaient-ils ? impossible de le savoir. Plus tard, j’appris qu’on avait arrêté une jeune femme de dix-huit ans, mariée depuis dix jours ; c’était la fille d’un vieux petit noble coréen, Ni Léon, chrétien fervent qui a été très-utile aux Pères ; je l’ai eu moi-même pour servant en 1861 ; dernièrement il était maître de maison de M. Deguette. Son fils aîné, Ni Jean, accompagnait le même Père. Elle fut prise avec son mari, c’étaient encore deux enfants ; après le jugement ils furent mis en prison avec les chrétiens et les voleurs. Plus tard, vers le 20 février, on arrêta d’autres chrétiens ; ils étaient en tout une vingtaine dans la prison de droite, prison affreuse, étroite et si remplie, que les détenus étaient les uns sur les autres, les pieds toujours pris dans les entraves ; les femmes habitaient une petite chambre contiguë et n’étaient pas aux ceps. Mais j’aurai bientôt occasion de parler des prisons et de leur régime ; parlons un peu des satellites avec lesquels j’ai vécu pendant près de deux mois.

III

Il y a deux tribunaux, le tribunal de droite et celui de gauche, à chaque tribunal se trouvent à peu près 52 satellites. Au dessous des satellites, qui sont tous instruits, et ont reçu une certaine éducation, il y a des espèces de soldats, puis des employés subalternes qui les accompagnent dans les expéditions ; enfin il y a les bourreaux, hommes de la dernière classe, à la figure de monstres, au regard faux ; ce sont ordinairement d’anciens voleurs libérés. Les satellites sont habillés de toutes les manières, suivant les expéditions qu’ils ont à faire, et pour n’être pas reconnus, ils changent souvent d’habits. Ils ont des chefs qu’on appelle Tchyem-tji dont le grade correspond à celui de sergent, ils portent des anneaux en jade ou serre-tête ; le Tong-tji ou lieutenant porte des anneaux en or. Tous sont sous les ordres du préfet de police, qui a un pouvoir absolu pour les causes ordinaires.

Il est difficile de reconnaître les satellites ou Pokio ; mais les gens habitués ne s’y trompent guère. Pour se faire reconnaître, en cas de besoin, ils ont toujours sur eux une plaque en bois, demi-circulaire, appelé Htong-puo, laquelle sont inscrits