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dans la nouvelle maison ignorée de tous. Cette dernière proposition fut longtemps débattue, enfin il fut décidé que je fuirais ; l’exécution de ce projet étant impossible pendant le jour, on devait attendre la nuit. À mon entrée en Corée, je ne m’étais fait aucune illusion, chaque jour je me disposais à mourir. Aussi, par une grâce spéciale de Dieu, je ne fus pas effrayé de cette nouvelle. C’était une bien grande faveur, j’allais être déchargé du fardeau qui m’avait été imposé depuis plusieurs années ; j’allais avoir le bonheur de confesser N.-S. et de mourir pour sa gloire, c’était mon passeport pour le ciel et la bienheureuse éternité. J’étais prêt et dispos, calme et sans trouble, je m’abandonnai entièrement au bon plaisir de Dieu et je priai pour mes chers missionnaires et nos pauvres chrétiens.

II

Vers quatre heures, on vint m’avertir que les agents des satellites gardaient les deux extrémités de la rue, il était impossible de fuir. Quelques instants après, un grand bruit se fait, j’entends les portes qui s’ouvrent, les croisées qui sont brisées, et les pas d’un grand nombre d’hommes qui se précipitent de tous côtés ; la maison était envahie. En un instant ils ont pénétré dans la chambre où je me tiens debout, je veux leur adresser la parole ; mais à peine m’ont-ils reconnu, que cinq d’entre eux se précipitent sur moi, et me saisissent par les cheveux, la barbe, les deux bras, en criant, hurlant pour se donner du courage ; puis, sans me laisser le temps de prendre mes souliers, ils me font traverser la cour, et m’entraînent dans une autre chambre, où je vois toutes les personnes de ma maison également captives. Il y avait plus de vingt satellites, tout joyeux de leur capture, avec eux, des femmes qui les aidaient et retenaient les femmes de la maison. Tjyang-Tchyem-tji, l’un des chefs se présente, et m’adresse la parole ; sur son ordre on me laisse un peu plus de liberté, et l’on me retient seulement par les manches de l’habit ; puis, il me fait reconduire dans ma chambre, alors il me dit qu’ils ont reçu l’ordre du gouvernement de m’arrêter, il ajoute qu’on sait qu’il y a quatre autres Européens et j’espère bien que vous allez leur écrire pour leur donner l’ordre de venir se présenter d’eux-mêmes. « Que savez-vous s’il y a des Pères ? — Oh ! nous le savons bien. » Là-dessus il se met à gourmander les satellites