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LES BLASPHÈMES

Ces vautours carnassiers, Apres, fauves, farouches,
Qui planaient dans vos cœurs, et depuis six mille ans
Se gorgeaient de la chair saignante de vos flancs
Et vous empestaient l’air que respiraient vos bouches,

Effarés, aveuglés par le matin qui luit,
Clabaudant au soleil dont le feu vient les mordre,
Ils tourbillonneront, lourds, veules, en désordre,
Comme un vol ténébreux de papillons de nuit.

Et quand ils se fondront dans l’ombre et le mystère,
Pour sonner leur départ, pour leur tinter le glas,
Ils entendront un rire aux énormes éclats
Qui secouera gaîment le ventre de la terre.

Et tout sera fini. Les temples étant clos.
L’herbe et la vigne folle en cacheront les portes.
Les idoles sans prêtre étant à jamais mortes,
L’oubli les roulera peu à peu sous ses flots.

Seuls, les cœurs amoureux de légendes antiques,
Errant dans la forêt des poèmes perdus,
Ainsi qu’à des échos vaguement entendus
S’attarderont encore aux souvenirs mystiques.