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LES BLASPHÈMES

Il dit qu’un fol orgueil nous brouille la cervelle
Quand nous voulons que tout l’univers se révèle
À notre œil limité,
Et quand nous essayons de saisir le fantôme
Impalpable, et de faire entre nos doigts d’atome
Tenir l’immensité ;

Il dit que, si ce Dieu que notre voix outrage
Existait, en voyant nos poings crispés de rage
L’éternel rirait bien ;
Il dit que le grand cri de révolte des hommes
N’est qu’une imperceptible haleine, et que nous sommes
Moins que l’ombre de rien ;

Il dit que celui-là seulement est un sage
Qui sait prendre les biens de la vie au passage
Tels qu’ils lui sont donnés,
Qui jouit des effets sans en chercher la cause,
Et qui veut ne jamais regarder autre chose
Que le bout de son nez.

Et les étoiles ont raison. Il faut se taire,
Laisser le ciel en paix et vivre sur la terre.
La joie est un devoir.