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la mer


La poudre dont naîtront plus tard des îles neuves,
Maison d’or où se fait un tas de millions
Du sou des orphelins, de l’obole des veuves,

Et du lourd chargement des riches galions,
Tout sombrant pêle-mêle au fond de tes royaumes
Dont jamais moissonneur n’a fauché les sillons.

Maison d’or, le cristal mobile de tes dômes
Est cependant la route où sans peur du danger
Va l’homme curieux des mœurs, des idiomes,

Chercher au loin la main de son frère étranger ;
Et grâce à cette route, Arche de l’alliance,
Tous les peuples épars ont pu se mélanger.

L’amorce de l’obstacle offerte à leur vaillance
Aiguisa l’appétit des efforts généreux ;
Et mettant tout, bonheur, patrie, en oubliance,

Ils prirent vers le large un vol aventureux
Pour qu’un jour tous les fils rapprochés par tes ondes
Pussent se reconnaître et se bénir entre eux.

Arche de l’alliance, aux promesses fécondes,
C’est par toi que plus tard les races se fondront ;
Les mondes séparés ne seront plus deux mondes ;

Le globe n’aura plus qu’un seul cœur, un seul front :
Sainte communion de la famille humaine
Autour d’un fraternel banquet assise en rond !