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la mer


Oui, je sais, dans cette naissance
Illustre ton cœur se complait.
Te croire de divine essence.
Même déchu, même incomplet,

Cela, penses-tu, te rehausse :
C’est ton titre, c’est ton blason.
Eh bien ! non. Conclusion fausse.
Ta vanité n’a pas raison.

Être un demi-dieu dont la chute
Va chaque jour se dégradant,
D’ange devenir presque brute,
Voilà ton vœu le plus ardent.

Quoi ! c’est un sort digne d’envie ?
Non, non. Et combien celui-là
Où la science te convie
Est plus superbe ! Écoute-la.

Pour venir à nous la matière
A dû par coups multipliés
Engloutir comme un cimetière
Des corps, des êtres, par milliers.

À travers ses métamorphoses
Tous ces êtres dont nous sortons
Contre les tourbillons des causes
Luttaient, éperdus, à tâtons.