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la mer


Elle est la grande inassouvie
Dont les désirs inapaisés
Au feu d’une éternelle envie
Renaissent de tous les baisers.

Elle a des balafres, des rides,
Les cheveux et les poils tout blancs.
On meurt sur des tétons arides
Sans pouvoir engrosser ses flancs.

Elle est la vieille et folle gueuse
Qui raccroche les pubertés
Aux coups de sa croupe fougueuse,
Entre ses genoux écartés.

Elle est la gouge aux dents cruelles
Qui dévore tous ses amants,
Et dont la couche a pour ruelles
Des gouffres remplis d’ossements.

Quand, tout visqueux de sa peau glauque.
On sort épuisé de ses bras,
Elle vous dit d’une voix rauque :
J’en veux encor. Tu reviendras.

Et l’on revient à l’amoureuse
Malgré ses éreintants assauts
Qui vous font la poitrine creuse
Et qui vous démoellent les os.