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soit en la Cour, soit dehors. S'il leur plaist de tenter derechef la fortune, ilz s'en retournent en leur maison, & toutes les trois années suivantes s'exercent à bon escient à escrire & lire, jusques à ce que l'an de l'examen retournant, ilz rentrent en lice. Ilz peuvent faire cet essai toutes les fois qu’ilz veulent. Et arrive souvent qu’ilz tentent le hazard dix fois, lorsque la fortune leur est contraire : duquel espoir se repaissans, ilz passent bien souvent toute leur vie sans charge publique pendant qu’ilz veulent estre les plus grands, ou rien.

Le succez de cet ordre, tout ainsi que du precedent, est imprimé par les examinateurs en un livre particulier, adjoustant comme dessus les noms, & chasque meilleure escriture. Outre ce livre, on en imprime tous les ans un autre, auquel sont enregistrez les noms des Docteurs, leur pais, parens, offices, & en quel lieu ilz les administrent. Ainsi celui qui aura veu ce volume annuel sçaura quel office chacun aura eu depuis le premier an du Doctorat jusques à sa mort, où il l'aura exercé, à quel degré d'honneur il sera monté ou descendu, ce qui entre les Chinois est journalier selon le merite.

Une chose est digne d'admiration en l'acquest de ce degré, que les compagnons de mesme année jurent entr'eux une amitié indissoluble. Car tous les Licentiez, non moins que les Docteurs, que la fortune a favorisé la mesme année, s'aiment durant toute leur vie, comme freres, & s'entr'aident les uns les autres, comme font aussi les parens de leurs collègues en toutes choses, tousjours unis d'inseparable union de volontez. Ilz contractent aussi avec les examinateurs un lien plus estroit, tel qu’est celui du pere, & du filz, ou des disciples & des maistres, leur rendant tousjours l'honneur qui leur est deu, encor qu’il arrivé souvent que les disciples, de degré en degré, sont eslevez par dessus les maistres.

C'est aussi la coustume de conférer ces mesmes degrez d'honneur ez mesmes lieux & ans, & avec les mesmes prerogatives à ceux qui font profession de la milice, seulement la coustume est de différer le temps, jusqu’à la Lune suivante. Mais d'autant qu’en la Chine l'art militaire est mesprisé, on donne ces degrez avec beaucoup moindre appareil. Et y en a si peu qui les pretendent, que c'est chose du tout miserable. Cet examen militaire, est aussi de trois sortes. Au premier ilz descochent neuf fleches en courant à cheval. Au second ilz en tirent autant de pied ferme à la mesme butte. Et ceux qui au moins de quatre flesches à cheval, & de deux à pied, ont touché le blanc, font receus au troisiesme examen, auquel ayant proposé une question de guerre, on leur commande de respondre par escrit : Les Juges en après ayans conferé ensemble tous les trois examens, en chasque Province declarent la plus