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valeur, on le fondit en le retirant de la circulation, parce que sa valeur en lingots excédait celle qu’il avait en monnaie. C’était un inconvénient qu’il importait beaucoup de faire disparaître ; mais telle est la marche lente de toute amélioration, que, quoique Locke l’eût démontré sans réplique, et que les écrivains qui, depuis, ont écrit sur les monnaies, en aient fait mention, ce n’est que dans la dernière session du Parlement, en 1816, qu’il a été déclaré que l’or seul était un moyen de paiement légal pour toute somme excédant quarante shillings.

Le docteur Smith ne paraît pas avoir bien compris les effets qui résultent d’employer à la fois deux métaux comme monnaie courante et comme moyen légal de paiement des dettes, quel qu’en soit le montant ; car il dit : « Dans le fait, pendant tout le temps que dure et continue une proportion déterminée entre la valeur respective des différents métaux monnayés, la valeur du plus précieux des deux règle celle de toutes les espèces monnayées. » Parce que, de son temps, l’or était le métal que les débiteurs préféraient pour acquitter leurs dettes, il a cru que ce métal possédait quelque propriété qui lui était inhérente, et moyennant laquelle il réglait à cette époque, comme il devait régler toujours la valeur de la monnaie d’argent.

À l’époque de la refonte des monnaies d’or, en 1774, une guinée nouvellement frappée à la Monnaie ne s’échangeait que contre 21 shillings dégradés ; mais sous le roi Guillaume, la monnaie d’argent étant également dégradée, une guinée nouvellement frappée s’échangeait contre 30 shillings. Là-dessus M. Buchanan fait l’observation suivante : « Voici donc un fait très-singulier, et duquel les théories reçues n’offrent aucune explication ; nous voyons à une époque la guinée s’échangeant contre 30 shillings dégradés (qui était sa valeur intrinsèque), et plus tard cette même guinée ne s’échangeant plus que contre 21 de ces mêmes schillings dégradés. Il faut nécessairement qu’il se soit opéré quelque changement remarquable dans l’état des monnaies entre ces deux époques, changement sur lequel le docteur Smith ne donne aucun éclaircissement. »

Il me semble que la solution de cette difficulté est très-aisée, si l’on explique la différence dans la valeur de la guinée aux deux époques mentionnées, par les différentes quantités de monnaie d’argent dégradée qui se trouvait en circulation. Sous le règne du roi Guillaume, l’or n’était pas un moyen légal de paiement, il n’avait qu’une valeur de convention. Tous les forts paiements étaient vraisemblablement faits en monnaie d’argent, surtout en raison de ce que le papier-mon-