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NOTES ET DISCUSSIONS


SUR LE POSITIVISME ABSOLU[1]


Nous voudrions esquisser un court plaidoyer en faveur « des philosophes qui conçoivent à côté et au-dessus de la science une métaphysique ». Faut-il cependant que nous nous défendions de trouver « banale et terre à terre l’attitude scientifique d’aujourd’hui » ? (p. 479). Si M. Rey connaît beaucoup de métaphysiciens contemporains qui affichent ce mépris de la science nous nous inclinerons ; mais de son propre aveu (p. 467), Renouvier, Hannequin, Hamelin, Bergson, Boutroux enseignent expressément le respect des propositions et de la méthode scientifiques, si bien que nous cherchons vainement ces contempteurs de la science et que nous nous demandons si les ennemis de M. Rey ne seraient pas déjà morts ? En réalité lorsqu’on réclame pour la science la suprématie absolue et le monopole de l’existence, toute limitation se présente comme une atteinte à ses droits. Mais si nous ne voyons pas dans la métaphysique de péril pour la science nous ne pouvons nous empêcher de voir dans le « positivisme absolu un véritable péril pour la philosophie. C’est ce péril que nous voudrions dénoncer.

Dans le « positivisme absolu » la philosophie ne peut, ne doit rien ajouter à ce que nous disent les savants. « Ce sont les savants qui la font tout entière » (p. 469). Les savants approfondissent « des parties spéciales du domaine scientifique. Ils ne s’élèvent qu’à celles des généralités philosophiques qui concernent leur spécialité » (p. 468). Le philosophe n’a ni à systématiser, ni à compléter ces généralisations il n’a qu’à les rassembler. Le philosophe « demande aux savants et à tous les savants dans tous les domaines de la science, leurs méthodes, leurs résultats et ce qu’ils pensent de ces méthodes et de ces résultats »… « Le philosophe est l’historien de la pensée scientifique contemporaine » (pp. 471 et 472). Que cette tâche pour être modeste dans son esprit n’en soit pas moins énorme et de la plus haute utilité, c’est ce que personne ne songerait à nier ; et l’on ne peut que remercier ceux qui, comme M. Rey lui-même, s’y sont heureusement employés. La question est de savoir si cette spécialité historique absorbera la philosophie tout entière.

Il faudrait préciser d’abord ce que seront ces généralités philoso-

  1. Voir le numéro de mai dernier, p. 461 et suiv.