Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 62.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

54 REVUE PHILOSOPHIQUE

par exemple, des perceptions objectives ; mais on nous concédera qu’elle a quelques app.étitions ou répulsions, dues non pas à la représentation des choses, mais à des états affectifs analogues à nos plaisirs et à nos douleurs ; peut-être même une tendance, déjà manifeste chez les végétaux’, à l’expansion ou à la contraction, à la suite de ce que nous appelons des sensations de lumière ou d’ombre, mais sans notion de milieux éclairés ou sombres. On peut bien admettre aussi que l’être humain débute par des états affectifs, des appétitions et répulsions, faits psychiques fort vagues et peu différenciés, que nous ne pouvons concevoir que comme intimement unis à des mouvements d’expansion et de contraction et à des réflexes plus ou moins nombreux, plus ou moins variés. Débuter en psycho-genèse par la sensation, si souvent confondue avec la perception objective, c’est céder au préjugé intellectualiste et aussi s’exposer à tomber dans cet « atomisme psychologique » si justement critiqué par MM. W. James et Bergson. Le grave tort des empiristes anglais, de Hume à John Stuart Mill, a été de traiter l’intelligence humaine comme une fonction primitive de la mentalité animale, de partir des sensations et des idées envisagées dans leur fonction cognitive. La tentative associationniste échoua parce qu’elle fut faite sur le terrain même de l’adversaire et avec d’insuffisantes données psychologiques. Il n’est pas d’observation d’une activité mentale quelconque qui permette d’isoler la simple représentation d’un objet, a fortiori une simple sensation, car la sensation n’est qu’un produit de l’analyse psychologique, un « requisit » de la perception objective. L’observation fournit une donnée bien plus importante celle de ce courant continu d’activité psychique que W. James a appelé « stream of thought », mais qu’il ne faudrait pas considérer tout d’abord comme constitué essentiellement par des représentations objectives. L’activité psychique est d’abord appe~MM persistante.

Mais, objectent les intellectualistes, l’appétition suppose la représentation d’une fin, la notion d’une relation. « Qu’est-ce que vouloir, désirer, sentir, disait Renouvier ; [sinon poser des relations], si ce n’est en faire, en supposer et en être ? (Logique, § xvil). D’abord, la relation en général n’explique pas l’appétition, il ne suffit même pas de considérer la relation de deux termes, dont l’un est représentatif d’un état à venir, pour que l’appétition existe ; Renouvier lui-même a dû reconnaître l’originalité et l’irréductibilité des « rapports d’appétition » (Le /~soHM<MM, p. S32) et ce qui 1. Voir D’ Loëb, Einieilung in Bft- Ce/m’y : phys. M~ M ; Psych., Leipzig, Barth, 1899.