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ture SAGERET. LA COMMODITÉ SCIENTIFIQUE Si

ture, la littérature, la musique, etc. parmi les arts moyens d’action, ceux de l’industrie, du commerce, de la guerre, de la finance, etc. ; parmi les arts moyens d’expression et d’action l’architecture c’est dans cette dernière catégorie que se rangent les mathématiques.

Avec l’aide des mathématiques nous pouvons tracer des images de l’univers, pures images d’ailleurs, et images incomplètes, inadéquates. C’est une imperfection commune aux mathématiques et à plusieurs autres moyens d’expression. La peinture en particulier représente avec deux dimensions ce qui en a trois, elle immobilise les êtres en mouvement, et quand on cherche dans les tableaux le détail des objets, on ne trouve que les traces colorées laissées par les poils d’un pinceau. En sa qualité de moyen d’expression la peinture est forcée d’interpréter, de dénaturer plus ou moins les choses ; nous avons vu que les mathématiques dénaturaient les résultats de l’expérience.

Comme moyen d’action, les mathématiques nous permettent de mesurer et de calculer. La plupart des autres arts moyens d’action dépendent d’elles à cet égard et les sciences qu’elles n’ont pas pu aider eurent un essor pénible. Celles mêmes qui paraissent leur être tout à fait étrangères leur doivent beaucoup, on pourrait dire tout, car une science n’existe vraiment que le jour où elle parle le langage de la logique rationnelle, or ce sont les mathématiques seules qui ont introduit dans le monde ce langage purifié de toute mixture sentimentale. En somme notre civilisation scientifique et industrielle tout entière est fille des mathématiques. Puisse cette constatation nous innocenter du crime d’avoir insulté ces dernières en leur dérobant le nom de science. Pour beaucoup de personnes, en effet, le mot de science est un insigne honorifique au même titre que le ruban rouge. Avoir l’air d’arracher une décoration à qui la porte dignement était un inconvénient qu’il convenait d’éviter.

Par ailleurs il n’y a que des avantages à considérer les mathématiques comme un art. Elles sont des moyens d’expression et d’action. Des moyens employés par les savants sont commodes ou incommodes, sans que la science prenne pour cela un caractère de système artificiel, et on peut remplacer un de ces moyens par un autre sans que la vérité scientifique change avec cette substitution. Ce n’est pas un médiocre avantage que de stabiliser le crédit de la science. C’en est un aussi que d’avoir une idée de science tout à fait générale.

L’idée de science impliquée dans les livres de M. Poincaré