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entre la notation et le langage serait confuse, tandis que nous prenons la notation et le langage assez loin de cette limite mutuelle pour les distinguer clairement.

Les mathématiques emploient un langage qui ne supporte pas le qualificatif de commode par rapport à elles-mêmes, car la notion de commodité implique, nous l’avons vu, que les lois sont toujours approchées.

Y a-t-il à proprement. parler des lois en mathématiques ? On peut soutenir que non. Le mot de « loi a en mathématiques est remplaçable par un autre tel que « postulatum, axiome, théorème M, ce qui n’a pas lieu pour les autres sciences. Nous serions entraînés trop loin si nous voulions approfondir cette indication. Il faut se contenter de la signaler. Elle a sa valeur. Toujours est-il que les expressions des relations mathématiques entre les nombres ou les grandeurs, ou lois mathématiques admettons ce terme, ne sont jamais approchées. Elles sont rigoureuses. Les mathématiques progressent par extension, non par approximation, dans ce sens que leurs lois atteignent du premier coup la perfection définitive sous peine de se voir reconnues un jour comme entièrement fausses. Dans les autres sciences, au contraire, les lois n’atteignent jamais la perfection définitive ; en revanche, lorsqu’une loi est rejetée, il arrive le plus souvent qu’elle ne meurt pas tout entière et lègue une partie de son contenu à sa remplaçante.

Ainsi la géométrie nous dit que le rapport de la circonférence au diamètre est constant. Constant veut dire ici absolument constant. Si par impossible on reconnaissait un jour la variabilité de ce rapport, le géomètre regarderait la loi comme anéantie, et que l’amplitude totale de la variation fût de 50 p. 100 ou de un milliardième pour cent, cela reviendrait exactement au même pour lui. D’autre part le chimiste moderne va peut-être bientôt admettre avec Gustave Le Bon que la matière pondérable est susceptible de se ~epoK<~f !Mr. Supposons que la balance le prouve. Alors on devra évidemment changer la loi de Lavoisier. Elle restera toutefois partiellement vraie la masse d’un corps qui traverse des combinaisons chimiques sera toujours dite constante, mais on ajoutera par exemple à quelques fractions de millièmes près pendant un siècle. En tout cas on estimera la loi de Lavoisier plus vraie que si l’approximation était seulement de l’ordre du dixième par an, et plus vraie que les lois de la chimie antique suivant lesquelles un boisseau de charbon perdait tout son poids par combustion, sauf quelques onces passées à l’état de cendres. En