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excursion nous n’étions pas allées avec Armande, et que ce serait amusant de le lui montrer ».

Cet exemple de promenades à bicyclette se prête très bien à un développement d’images, car, dans une promenade, il y a beaucoup à voir, et les images rappellent surtout les perceptions visuelles. Cependant on a pu remarquer quel nombre considérable il y a eu de réflexions sans images.

Conclusions et hypothèses.

Je me suis efforcé, dans tout ce qui précède, de supprimer les considérations théoriques, et d’exposer seulement des expériences précises et détaillées. En ces matières, on a beaucoup trop théorisé et schématisé, et il est utile de substituer au raisonnement compliqué et à la théorie travaillée quelques observations pures et simples, même naïves, données sans apprêt, et qui n’ont qu’un mérite, celui d’être prises d’après nature. Ce qui ressort avec évidence de ces observations, c’est que chez certains sujets comme les nôtres, l’image n’a pas le rôle primordial qu’on s’est plu à lui attribuer. Nos sujets ne me paraissent pas être des personnes exceptionnellement dépourvues d’images. Si Armande, comme nous le verrons plus tard, a des images assez faibles, — et encore, je les crois plus nettes que les miennes, — en revanche Marguerite visualise avec beaucoup de netteté, et elle nous assure que certaines de ses représentations sont aussi intenses que la réalité. Je crois donc que, comme pouvoir d’imagination, elle est au-dessus de la moyenne ; et elle représente assez bien ce qui doit se passer dans l’esprit d’un bon visualisateur.

Nous pouvons conclure, par conséquent, que l’image n’est qu’une petite partie du phénomène complexe auquel on donne le nom de pensée ; la facilité qu’on éprouve à décrire l’image mentale, et sans doute à la comprendre par la comparaison un peu grossière qu’on en a fait avec une image enluminée d’Épinal, est ce qui a fait illusion sur son importance. C’est la psychologie de Taine, si belle dans son outrance, qui a popularisé parmi nous cette idée que l’image est une répétition de la sensation, et qu’on pense avec des images. Puis, ce sont les remarquables études cliniques de Charcot sur l’aphasie qui ont montré la distinction à faire entre les images visuelles, auditives, motrices, et ont encore accru l’importance de l’image en psychologie.

Cette étude des images est devenue une des plus perfectionnées de la science française. Taine et ceux qui les ont suivis ont eu