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Ces quatre heures, qui, quoi qu’il en puisse dire, sont bien courtes et ne permettent guère de longues excursions hors de la science spéciale où l’on concentre ses efforts et ses recherches, qui pourra se vanter de les avoir bien à lui chaque jour ? Heureux ceux à qui leurs obligations professionnelles laissent plusieurs fois par semaine deux ou trois heures de liberté d’un bout de l’année jusqu’à l’autre. M. P… s’élève avec grand’raison contre le préjugé qu’on ne peut travailler qu’à Paris, mais lorsqu’il écrit par exemple que les grandes bibliothèques ne vont point sans inconvénients pour le travail scientifique, qu’à force de lire on en arrive à substituer toujours et partout des efforts de mémoire aux efforts actifs de recherche par soi-même, que la qualité des livres peut suppléer à leur quantité, que la vraie découverte c’est l’idée et que les recherches expérimentales ne servent qu’à la vérifier, que peu importe après tout un laboratoire plus ou moins bien installé, il nous semble ne pas se faire des nécessités de la recherche scientifique au temps présent une idée très exacte. Il faut des instruments pour travailler, et chaque jour il en faut davantage ; les renseignements, il faut les aller chercher où ils se trouvent et peu importe la qualité d’un livre, s’il ne contient pas le fait précis dont on a besoin.

M. P… a consacré la dernière partie de son livre à la très fine analyse des joies que procure le travail et à l’examen des ressources que peut trouver dans le milieu où il vit le jeune homme pour se fortifier dans sa résolution de travailler. Il montre quel devrait être le rôle des professeurs de l’enseignement supérieur : « Les deux besoins essentiels de l’étudiant, écrit-il (p. 264), le besoin d’une direction morale et celui d’une direction méthodique du travail ont un remède commun : le contact intime du professeur et de l’élève. »

Tel est en ses grandes lignes ce livre, l’une des plus vigoureuses et des plus vivantes études de pédagogie morale qui aient été écrites depuis longtemps.


L. Marillier.




II. — Esthétique.

Ernst Gosse. Die Anfaenge der Kunst (Les commencements de l’art), avec 32 figures et 3 planches. Fresburg i. B. et Leipzig, Mohr, ]894.

M. Gosse a l’ambition d’ouvrir la voie qui nous mènera à une science de l’art. Il s’y engage résolument, et nous apporte un livre curieux, riche, intéressant. Jusqu’ici, dit-il avec raison, on n’a avancé que dans l’histoire de l’art ; mais la philosophie de l’art est restée livrée à la fantaisie, et les systèmes sont morts à mesure qu’ils étaient conçus. Le problème consiste à décrire et à expliquer les phénomènes artistiques. Ce problème a deux formes, l’une individuelle, l’autre