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parallèles, etc. — et l’on s’écrie triomphant: « Voyez ! les postulats d’Euclide sont devenus inutiles, nous les supprimons. » Illusion. Les postulats se retrouvent intacts sous les nouvelles formules. C’est ce que je vais établir.


V


J’ai dit antérieurement que les spéculations des métagéomètres n’ont pas été inutiles à la philosophie de la géométrie. Nous avons vu en effet qu’elles ont mis en pleine clarté un résultat important, à savoir que l’espace euclidien est caractérisé par deux propriétés, l’une concernant la somme des angles d’un triangle, l’autre concernant le parallélisme ; d’où ils ont tiré la conclusion que ces propriétés sont indémontrables. Nous verrons plus tard dans quel sens cette conclusion est vraie, dans quel sens elle est fausse. Répétons encore une fois que la vraie caractéristique de l’espace euclidien, c’est que la forme des figures y est indépendante de leur grandeur, caractéristique de laquelle découlent les deux propriétés susdites. Par conséquent, elles ne définissent pas mieux l’espace euclidien que celle, par exemple, du carré de l’hypoténuse. Nous nous proposons même de fonder toute la géométrie élémentaire, toute la théorie, entre autres, des triangles semblables, sans passer par celle des parallèles.

Mais quant à la prétention des métagéométries d’être des géométries générales, d’être indépendantes de la géométrie euclidienne et de se passer de ses postulats, nous allons voir qu’elle n’est pas fondée, qu’elles ont leurs postulats analogues à ceux d’Euclide, qu’elles plongent leurs racines dans la géométrie euclidienne, et que si elles sont plus générales que celle-ci, c’est à la façon dont une équation du second degré est plus générale qu’une équation du premier, bien que sa solution consiste à la décomposer en deux équations du premier degré.

Il serait malaisé de faire une pareille démonstration in abstracto. Il faut nécessairement prendre pour base un exposé systématique des principes de la géométrie générale et raisonner in concreto. Heureusement deux savants, dont l’un a été bien souvent invoqué par moi pour sa haute compétence, MM. Calinon et G. Lechalas, le maître et le disciple, ont mis en forme, si l’on peut ainsi dire, les propositions élémentaires, l’un, de la géométrie sphérique, l’autre, d’une géométrie englobant la pseudosphère. Ce sont les premières de ces propositions, les définitions principalement, que je vais soumettre à une critique attentive et minutieuse.