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dans cet ordre d’idées avec un sujet possédant une instruction mathématique un peu développée.

Les phénomènes de polarité ont été déjà plusieurs fois signalés, et l’on n’a pas oublié notamment la belle étude de MM. Binet et Féré sur la polarité psychique[1] ; mais cet ordre de phénomènes aurait une très grande extension, d’après les recherches entreprises par M. de Rochas, à la suite de M. Dècle et du Dr Chazarain. Non seulement l’aimant et les corps électrisés, mais encore un nombre considérable de substances seraient doués d’activité à ce point de vue spécial. Les corps animés et notamment le corps humain se divisant en deux parties douées de polarité différente, on obtient des effets différents suivant que les actions sont en isonome ou en héréronome : la localisation des deux polarités sur le corps humain est donc la première question à résoudre si l’on veut systématiser les expériences. Pour faire cette localisation, M. de Rochas est parti de ce fait que les actions en isonome sur un sensitif amènent l’anesthésie, avant de provoquer la contracture. Cela étant posé, il applique à plat l’extrémité nord d’une aiguille aimantée, pendant une seconde à peine, sur la peau, dans le voisinage de la ligne de séparation, préalablement déterminée approximativement ; puis il pique avec la pointe nord. Si le sensitif sent la piqûre, c’est que la partie est négative ; elle est au contraire positive si le sujet n’éprouve rien. M. de Rochas a reconnu ainsi que le côté gauche de la tête et du tronc est positif ; quant aux membres et aux doigts, si l’on suppose l’homme à quatre pattes, toutes les parties externes sont positives. Au moment de la publication de son ouvrage, M. de Rochas ne connaissait pas encore celui que vient publier M. le Dr Baréty sur le Magnétisme animal, dans lequel est indiquée une répartition différente des polarités ; M. de Rochas explique cette divergence soit par le fait d’une suggestion involontaire sur un sujet très impressionnable, soit par l’état maladif de l’unique sujet du Dr Baréty, toute partie souffrante où afflue le sang devenant positive et créant, par contre-coup, des pôles négatifs anomaux.

Quoi qu’il en soit des points douteux dans la localisation des deux polarités, une action en isonome provoque l’anesthésie, puis la contracture et enfin l’état de crédulité, si l’action se propage jusqu’au cerveau. Une action en hétéronome fait ensuite disparaître les effets de l’action en isonome ; si on continue l’action en hétéronome, il se produit généralement un effet inverse du premier, c’est-à-dire, par exemple, qu’à une hallucination verte en succède une rouge[2]. Nous croyons devoir insister ici sur une application pratique des actions en hétéronome, celle de la suppression des suggestions ; mais il convient tout d’abord de signaler un moyen qui permettrait aux sujets de reconnaître si une impulsion à faire un acte vient ou non d’une suggestion. M. de

  1. Revue philosophique, année 1885, 1er semestre.
  2. Dans le cas de phénomènes unilatéraux, il y a complication par suite des faits de transfert.