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ANALYSES.a. de rochas. Les forces non définies.

être n’a-t-il eu qu’à suivre le libre essor de son imagination, pour bâtir un système du monde et une théorie du devenir qui n’empruntassent que le moins possible à des types surannés. On éprouve en le lisant — nous nous souvenons de l’impression que nous causa son premier article dans cette Revue, — une sensation de renouvellement et de rafraîchissement. M. Tarde n’est pas un universitaire ; sa pensée a fleuri solitairement sur les bords abrupts de la haute Dordogne ; elle manque peut-être un peu de rigueur et de discipline, mais elle est pleine de sève, et comme M. Tarde lui-même le dit de la femme, son « goût de sauvageon » ne lui nuit pas.

A. Espinas.

A. de Rochas. Les forces non définies. Recherches historiques et expérimentales. — 1 vol.  in-8o, 390 pages, XVIII planches. Paris, Masson, 1887.

Sous le titre quelque peu énigmatique que nous venons de reproduire, M. de Rochas a réuni de nombreux renseignements sur une foule de questions actuellement discutées. À côté des phénomènes ordinaires de l’hypnotisme, on y trouve des chapitres consacrés à l’attraction exercée sur le corps humain, à la variation du poids des corps, au déplacement des objets à distance, à l’ascension des corps humains, à la divination. Mais, sur ces divers sujets, M. de Rochas se contente généralement d’accumuler des citations, sans en faire la critique : ce n’est donc pas là qu’est, selon nous, le plus grand intérêt de son ouvrage. Il se trouve bien plutôt dans ses expériences sur les phénomènes de polarité. Mais, avant de parler de celles-ci, nous voulons dire quelques mots de ses suggestions hypnotiques.

Les lecteurs de la Revue philosophique en connaissent déjà qui concernent des changements de personnalité[1] ; en voici une autre que M. de Rochas a bien voulu donner sur notre prière. M. Ernest Naville nous ayant demandé si les mathématiciens aliénés perdent le sens des vérités nécessaires et font, par exemple, de fausses démonstrations à défaut dont ils ne peuvent reconnaître l’erreur, nous avons songé que, d’un tel renseignement, il serait intéressant d’étudier les suites de la suggestion d’une erreur mathématique. M. de Rochas a donc suggéré à son sujet Benoît que 3 et 2 font 4, puis il lui a fait faire quelques calculs, où l’erreur suggérée a produit le résultat prévu ; la réalité de la suggestion étant ainsi bien établie, M. de Rochas lui a démontré que 3 et 2 font 5 et non pas 4, ce que Benoît a compris. Dans cette expérience, il ne s’est produit qu’une perversion de la mémoire, la faculté de raisonnement persistant dans son intégrité ; il serait intéressant de poursuivre

  1. Mars 1887. Comptes rendus de la Société de psychologie physiologique.