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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


G. Tarde. — La criminalité comparée. Félix Alcan, éditeur, Paris, 1885, in-18.

Nous venons trop tard pour annoncer la publication de ce livre déjà connu et vivement goûté en France et à l’étranger, formé d’ailleurs en grande partie d’articles parus ici même. Nous voudrions seulement lui rendre en quelques lignes l’hommage dû à une œuvre de cette importance, en cherchant à en dégager les principaux caractères et les idées dominantes. Peut-être d’ailleurs y a-t-il un intérêt particulier à tenter ce travail d’analyse pour un recueil d’articles qui ont leur unité doctrinale, mais qui, composés isolément et assemblés, ou peu s’en faut, sous leur forme première, frappent plus par l’abondance et l’originalité des vues exprimées que par leur ordonnance systématique.

Il n’est guère de question se rattachant à la criminalité qui n’ait été soulevée dans ce petit livre. Mais les étudiants en droit et les magistrats n’y trouveront pas les directions pratiques, utilisables dans les difficultés professionnelles que leur offrent les Nouveaux horizons du droit pénal et de la procédure pénale de M. E. Ferri. Là, tout est clair, tout est défini, tout est rapporté aux exigences de l’art politique qui a besoin avant tout dans ce domaine de formules simples et de règles applicables. Ici au contraire le point de vue de la spéculation est dominant ; les problèmes juridiques et politiques, bien qu’étudiés de la manière la plus sérieuse par l’auteur, sont encore pour lui des thèmes à l’occasion desquels ses conceptions psychologiques, sociologiques, et même philosophiques, quelquefois un peu confuses et troublantes, toujours originales, se déploient dans le langage le plus entraînant et le plus coloré. À vrai dire c’est là surtout l’œuvre d’un philosophe, et c’est parce caractère, c’est parce qu’elle dépasse et déborde de toutes parts l’horizon de la criminologie qu’elle nous intéresse surtout.

M. Tarde a peu de sympathie pour la doctrine du progrès, telle qu’elle est acceptée chez nous par la majorité des partisans de l’évolution. Il ne l’attaque de front nulle part, il est vrai. Il semble n’avoir pour but qu’une démonstration « criminologique », à savoir que les facteurs physiques et anthropologiques jouent dans la genèse du crime un rôle beaucoup moins important que les facteurs sociaux ; mais chaque coup porté