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Il y a incontestablement une idée juste dans le livre de M. Braun et cette idée est celle qui fait le fond de son ouvrage. Je ne fais pas plus de cas qu’il ne faut de l’appareil de ses méthodes de concordance, de différence, etc., qui ne font guère qu’un effet de montre, mais il est sûr que si l’on parvenait à prouver que tous les penseurs ont eu le souci de l’absolu et ont été comme contraints, ou d’avouer l’insuffisance de leurs théories, ou de faire appel à cette notion, on aurait par là même fait faire un grand pas à la preuve de la nécessité de la métaphysique. Mais ce n’est pas en 64 pages que l’on peut ainsi aller au fond de tous les systèmes pour en extraire la quintessence. Il faudrait peut-être aussi plus de critique que n’en montre parfois le livre dont nous nous occupons. Pour n’en citer qu’un exemple, M. Lachelier est cité parmi les adversaires du spiritualisme. M. Braun ne semble pas avoir bien lu le profond article publié par la Revue en mai 1885 et qui a précisément pour objet de renforcer les preuves du spiritualisme et de le mettre en état de lutter avec avantage contre la psycho-physiologie. Malgré cela, le livre de M. Braun est d’une lecture facile, renferme des aperçus ingénieux, témoigne d’une large érudition, et enfin il repose sur une idée juste et féconde. Je lui reproche seulement de n’en avoir pas tiré tout ce qu’elle contenait. Aussi ce petit volume est-il le programme d’un livre plutôt que le livre même. M. Braun nous doit cet ouvrage et il le fera.

G. F.

N. Grote. Le caractère et le but de ma philosophie. Moscou, 1886 (en russe).

Un archevêque russe, le P. Nikanor, auteur d’un gros volume sur le positivisme contemporain, ayant félicité dans une revue russe de théologie M. Grote, professeur de philosophie à l’Université de Moscou, de sa conversion aux principes spiritualistes, celui-ci répond par une sorte de confession philosophique, un exposé succinct des diverses étapes traversées par sa conscience de philosophe.

Loin d’avoir apostasié, M. Grote n’a fait qu’évoluer. Il a marché droit devant lui, sans regarder en arrière à l’exemple de ces penseurs timorés qui tremblent toujours d’être pris en flagrant délit de contradiction avec eux-mêmes. Et si, à un moment donné, M. Grote est devenu son propre antipode, pareil en cela au voyageur qui fait le tour du monde, la faute ou plutôt le mérite — car c’est là un véritable mérite aux yeux du philosophe de Moscou — doit en être imputé au caractère appartenant à toute recherche philosophique et qui force le philosophe à se contredire, comme la forme de la terre oblige le voyageur à passer d’un hémisphère à l’hémisphère opposé. M. Grote nous dit encore qu’étant devenu professeur de philosophie à l’âge de vingt-trois ans, il a commencé par confondre la philosophie avec la métaphysique qu’il avait appris à mépriser à l’école de Comte. Il s’attacha donc -