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ANALYSES.e. braun. La logique de l’absolu.

proscription de la métaphysique et de son remplacement par la science positive et expérimentale, au nom de l’absolu, déclaré inconnaissable, inaccessible à notre esprit ». Il montre ensuite « le monde philosophique divisé en partisans et en adversaires de l’absolu. Autrefois, dit-il, on était théiste ou athée, croyant ou incrédule, spiritualiste ou matérialiste, idéaliste ou sensualiste, aujourd’hui on est absolutiste ou relativiste (p. 4). » L’auteur après ces préliminaires s’attache à rechercher le sens véritable du mot absolu et il croit le trouver dans l’absence de dépendance. Ce n’est pas relatif, mais dépendant qui s’oppose à absolu. L’absolu est donc l’indépendant. Il y a trois absolus principaux, Dieu, l’âme humaine et l’objectivité extérieure. Selon que l’on admet ou non l’existence de ces absolus, on se trouve obligé d’adopter une pratique et un langage différents en religion, en psychologie, en morale, en littérature, en politique, etc.

Voici maintenant le nœud du livre où son titre se trouve expliqué et justifié. M. Braun croit pouvoir montrer que « la recherche de l’absolu est une loi inhérente et indestructible de l’esprit et du cœur de l’homme, » de sorte que l’homme est logiquement amené à penser à l’absolu et qu’il ne peut s’en passer. La métaphysique est ainsi une nécessité de la pensée. L’auteur veut prouver l’existence de cette loi comme on prouve l’existence de toutes les lois : 1o par la méthode de concordance « L’immense majorité des représentants autorisés de la pensée humaine, les chefs de toutes les grandes écoles philosophiques ont constamment, dans leurs spéculations et dans leurs systèmes, poursuivi ou défendu quelque objet transcendant, quelque absolu (p. 51) ; » 2o par la méthode de différence : « Les penseurs indifférents ou hostiles à l’absolu ne peuvent rester dans cet état suspensif ni se contenter du relatif ; » 3o par la méthode des variations concomitantes : « Dans toutes les branches du savoir humain, dans toutes les sphères de son activité, la pensée philosophique cherche, en tout lieu et en tout temps, un point d’appui dans quelque absolu. »

Tel est le vaste programme que l’auteur se propose de remplir. Pour cela en soixante-quatre pages il passe en revue toute l’histoire de la philosophie depuis le Rig-Véda jusqu’à la philosophie contemporaine en passant par Confucius, afin de satisfaire à la première partie du programme. Il remplit la seconde partie en montrant par l’aveu des philosophes et des savants contemporains, Taine, du Bois Reymond, Littré, Tyndall, etc., que la science est impuissante à satisfaire le besoin d’absolu et à remplacer la métaphysique. Je ne trouve pas trace de réalisation de la troisième partie. Quoi qu’il en soit, l’auteur se croit en droit de conclure que la loi qu’il voulait établir est désormais scientifiquement démontrée, que la logique de l’esprit humain le conduit nécessairement à l’absolu. Par suite donc « le relativisme universel (positivisme, subjectivisme, phénoménisme, agnosticisme, etc.) est condamné et l’existence de cette loi constitue une preuve en faveur de la vérité du spiritualisme traditionnel et chrétien, défenseur-né de l’absolu. »