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ANALYSES.e. roberty. Ancienne et nouvelle philosophie.

doit toujours être strictement conforme à un état donné de nos connaissances. » (p. 329.) M. de Roberty est d’ailleurs convaincu que « la philosophie des sciences est une œuvre qui appartient à l’avenir ». (p. 6).

En somme, le livre de M. de Roberty est une précieuse contribution à la philosophie générale ; elle est la première partie d’un vaste travail qui doit comprendre six parties distinctes : l’Ancienne et la Nouvelle Philosophie, l’Inconnaissable, l’Hypothèse en philosophie, les Sciences abstraites, les Philosophies particulières des sciences abstraites, la Philosophie générale des sciences. Espérons que l’auteur mènera son œuvre à bien ; si ses théories peuvent paraître quelquefois inexactes et surtout peut-être incomplètes, il en restera, croyons-nous, des fragments importants, et elles sont toujours au moins suggestives.

Fr. Paulhan.

Émile Burnouf. La vie et la pensée. Éléments réels de philosophie. Paris, Reinwald. 1886.

Si le bonheur, comme le pensait Aristote, consiste á vivre de la vie de l’esprit, si cette vie de l’esprit est d’autant plus intense qu’elle va puiser ses aliments à un plus grand nombre de sources, M. Émile Burnouf est un des plus heureux de nos contemporains.. Neveu du grand Eugène Burnouf, il s’est intéressé aux travaux de son oncle, au point d’être, à quelques égards, son continuateur. L’Orient n’a pu lui faire oublier la Grèce : il l’a étudiée dans tout ce qu’elle a produit d’immortel, et ses études ont abouti au meilleur résumé d’histoire de la littérature grecque qui puisse être mis dans les mains des étudiants français. La carrière enseignante de M. Burnouf a eu une lin digne de son commencement : elle s’est terminée par la direction de l’École d’Athènes dont il avait été membre à sa sortie de l’École normale. Depuis sa rentrée en France, M. Burnouf s’est adonné aux recherches de philosophie ; son dernier livre en est la preuve. Il s’est instruit dans les laboratoires des savants, y a pris des notes, les a coordonnées ; tout ce qu’il est permis à l’homme d’affirmer ou de supposer touchant les questions d’origine, il a su l’apprendre et il excelle dans l’art de le redire. Le présent volume a toutes les qualités d’un bon manuel, au sens élevé que ce dernier mot comporte : on le lit avec agrément, et ce qui importe davantage, peut-être, on le consulte avec profit.

La doctrine à laquelle l’auteur s’est définitivement attaché le rapproche singulièrement des évolutionnistes, et s’il ne devait à son éducation littéraire l’habitude, ainsi que l’avaient les Grecs, d’envisager les choses de la nature sous leur aspect poétique, on serait bien près de le ranger au nombre des matérialistes. M. Burnouf croit à la force et à l’unité de cette force, il est moniste ; il croit aussi que la puissance est antérieure à l’acte, que le possible préexiste au réel, qu’entre les causes d’un phénomène et les conditions auxquelles ce phénomène doit d’apparaître il n’y a point lieu de distinguer. Il incline donc visiblement.