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ANALYSES.e. roberty. Ancienne et nouvelle philosophie.

nos jours dans diverses sciences spéciales, la biologie, la psychologie, la sociologie. » (P. 18, 19.)

M. de Roberty recherche le troisième système métaphysique auquel sa classification doit le conduire ; il pense le trouver dans le sensualisme. « Nous avons examiné, dit-il, deux de ces termes, le troisième correspond au domaine des phénomènes organiques qui constituent le passage de la cosmologie à la sociologie, de l’ordre extérieur à l’ordre humain… Existe-t-il un groupe de systèmes comblant le vide entre le matérialisme et l’idéalisme ? et, s’il existe, épuise-t-il toutes les variétés de la métaphysique, que nous n’avons pas encore examinées, sans laisser de résidu appréciable qui ne soit pas réductible à l’un des trois termes de notre classification ? Les faits historiques répondent à toutes ces questions de la façon la moins équivoque. Nous connaissons dans le passé de la philosophie, à côté du matérialisme et de l’idéalisme, un groupe intermédiaire portant le nom caractéristique du sensualisme. Cette terminologie, appliquée aux trois philosophies, acceptée unanimement par tous et facilement traduisible en termes, moins familiers à l’oreille, de mécanisme, de biologisme, de psychologisme, est très significative ; elle constitue une sorte de confirmation instinctive de notre principe de classification. Il nous suffira d’ailleurs de jeter un rapide coup d’œil sur les systèmes sensualistes pour nous convaincre que cette classification embrasse la totalité des constructions métaphysiques et ne laisse rien d’essentiel en dehors, à l’exception, bien entendu, de ces tentatives bâtardes qui, sous le nom d’éclectisme, n’ont jamais eu souci de l’homogénéité de leur fonds, ou de ces essais tout modernes qui creusent un sillon métaphysique nouveau et sont destinés à se placer à la limite de l’ancienne philosophie de l’ignorance et de la future philosophie des sciences. » (P. 59).

Cette conception du sensualisme comme marquant une transition naturelle entre le matérialisme et l’idéalisme, est juste, d’après l’auteur, à un point de vue purement doctrinal ; au point de vue historique, la place du sensualisme est tout autre ; il « nous apparaît comme la dernière parmi les tentatives infructueuses de concevoir l’essence des choses et l’unité finale des phénomènes. Sous ce rapport, il succède, par conséquent, non seulement au matérialisme, mais encore aux formes les plus développées, les plus parfaites de l’idéalisme ; il tend à concilier les deux extrêmes et à les remplacer par une généralisation plus conforme à la réalité. » (p. 72.) M. de Roberty ajoute que ce fait ne contredit nullement la loi de Comte sur le développement du savoir. Il ne s’agit en effet ici que des spéculations fondées sur l’ordre des phénomènes vitaux, non du développement de la science des phénomènes vitaux, de la biologie. C’est au dix-huitième siècle que le sensualisme s’est surtout développé. Toutefois son origine est fort ancienne, « Protagoras, le premier, affirme que le point de départ de la philosophie doit être non dans l’objet, dans le monde extérieur, mais dans le sujet, dans l’organisation mentale