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recherches biologiques, par exemple, au passé de la biologie ; mais, de même que l’histoire de la biologie ne constitue pas une discipline biologique, l’histoire de la philosophie n’appartient pas aux disciplines philosophiques. La dépendance de l’état présent de telle ou telle science de son passé est une dépendance de caractère purement sociologique. Il peut, sans doute, être souvent utile au savant de connaître les divers degrés de développement par lesquels a cheminé la science dont il s’occupe, les transformations qu’elle a subies, les erreurs qu’elle a commises, mais ce n’est jamais là pour lui qu’une connaissance accessoire. De pareils faits font partie d’un tout autre ordre de phénomènes et doivent être étudiés au moyen d’une tout autre méthode. Cela est vrai pour toutes les sciences, cela est vrai aussi pour la philosophie et son histoire, dont les voies ne coïncident pas dans tout leur parcours et dont les analogies, lorsqu’elles se rencontrent, supposent nécessairement de la part de l’investigateur un changement de point de vue qui de spécial, de sociologique, devient général, philosophique. » (P. 4, 5.)

Nous ne pouvons suivre M. de Roberty dans tous les détails de son exposé, mais il faut s’arrêter un peu sur sa division des systèmes métaphysiques et la loi générale qu’il énonce. La métaphysique peut prendre, d’après lui, trois formes principales : le matérialisme, le sensualisme et l’idéalisme. Voici comment il comprend essentiellement ces trois systèmes, en s’appuyant sur la classification des sciences d’Auguste Comte.

« Envisagée dans ses grandes lignes, la classification de Comte nous donne trois groupes nettement différenciés de phénomènes : le groupe inorganique ou physico-chimique, avec sa base mathématique ; le groupe organique ou biologique, qui s’appuie sur le premier ; enfin le groupe hyper-organique ou psycho-sociologique, qui à son tour se superpose au précédent. Toutes les hypothèses générales qui ont été présentées, par conséquent tous les systèmes philosophiques peuvent être ramenés à ces trois grandes divisions des phénomènes naturels…

« On arrive ainsi à une classification tripartite des anciennes conceptions du monde. » — M. de Roberty a déjà rattaché le matérialisme aux sciences physico-chimiques, l’idéalisme à la psychologie, en ce sens que, « pendant que les anciens matérialistes construisaient leurs hypothèses sur d’insuffisantes données empruntées à l’observation du monde inorganique, Socrate et les premiers idéalistes recouraient à des hypothèses analogues, qu’ils appuyaient sur des données plus insuffisantes encore, puisées dans le vaste domaine des faits hyperorganiques, des faits intellectuels et sociaux… La voie suivie était la même ; seulement les matérialistes prenaient pour point de départ de leurs spéculations les observations les plus précises parmi celles qui existaient alors et dont quelques sciences inférieures, mathématique, mécanique, physique, allaient sortir un peu plus tard ; les idéalistes au contraire partaient d’observations superficielles sur des phénomènes qui n’entraient pas encore dans le cadre du savoir positif et n’ont pu être distribués que de