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REVUE GÉNÉRALE.psychologie criminelle

J’insiste sur ces considérations, car M. Battaglia, dans ses projets de reconstruction sociale, fait vraiment trop bon marché des précédents. J’abonde, certes, dans sa critique amère de notre système pénitentiaire. Il a raison de blâmer l’appareil théâtral des assises, — bien que justifié à certains égards, comme cérémonie propre à réveiller l’attention et la conscience sociale, ainsi que le fait remarquer M. Paulhan dans un article récent de la Revue scientifique. Il aurait pu ajouter que ces débats servent de noviciat à la verbosité des esprits faux, pour la plus grande gloire du Barreau et le plus grand malheur des Parlements. J’accorde même qu’il est dans les voies de l’avenir, et, en tout cis, de la science, quand il réclame l’établissement d’un asile criminel pour les délinquants reconnus aliénés ; quand il se prononce pour un genre de peine sans limitation préfixe, d’une durée variable d’après l’avis d’une commission des prisons ; quand, enfin, il tend à diminuer le rôle de la magistrature et à élever, à élargir les fonctions de la police, — double transformation dont nous sommes témoins tous les jours, comme nous voyons grandir sans cesse, aux assises, l’expert aux dépens du juré, en ce sens que la confiance publique s’attache de plus en plus aux décisions motivées du premier et de moins en moins aux verdicts arbitraires du second. Mais je ne suis pas bien sûr que le meilleur moyen d’extirper la délictuosité soit de supprimer la propriété individuelle, l’héritage, l’intérêt du capital, d’exterminer les religions, de refondre entièrement le mariage, la famille, et surtout la nature de la femme, « cet anachronisme psychologique », qu’il est, nous dit-on, d’un immense intérêt d’améliorer, quoiqu’elle soit, après tout, si la statistique ne m’abuse, l’élément le moins délictueux de nos sociétés. Je ne saurais admettre non plus que la cause unique, ou même prépondérante, des désordres sociaux burinés à la manière noire par M. Battaglia, soit l’état économique de notre monde moderne. Et, cela fût-il admis, il ne me paraît pas démontré non plus que les conditions économiques puissent être brusquement changées si ce n’est par l’emploi de remèdes cent fois pires que le mal. Il y a du reste beaucoup de faits et d’idées à recueillir dans les chapitres consacrés par notre auteur à ce sujet ; et nous les signalons aux économistes.

III. — Ce n’est pas sans protestation, on le devine, que l’ancienne école spiritualiste accueille l’exposé des doctrines précédentes. En Italie, elle rend trait pour trait, mais raille ou s’irrite autant pour le moins qu’elle discute. Je trouve plus de gravité et de vigueur, de mesure et de courtoisie, dans les critiques dont les idées nouvelles ont été l’objet au sud des Pyrénées. Parmi tous les signes de relèvement que donne aujourd’hui ce noble et antique peuple espagnol, nous avons plaisir à signaler un petit fait qui n’est pas sans signification, à savoir le succès brillant, à Oviédo, d’une série de conférences hebdomadaires roulant sur des sujets d’un intérêt à la fois spéculatif et précis, tels que la question d’Orient, les guerres maritimes ; enfin, les théorie