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REVUE GÉNÉRALE.psychologie criminelle

et à certaines heures de la journée, et aussi par esprit d’imitation ». Faut-il s’étonner que, ces deux causes agissant de même, et avec plus d’intensité peut-être encore, sur les malfaiteurs prisonniers, les prisons soient de vrais ateliers de tatouage ? « Esprit d’imitation, vanité et oisiveté, voilà les motifs qui, en général, ont déterminé les délinquants à se tatouer », le plus souvent à l’avant-bras.

Les caractères physiologiques et psychologiques ne sont pas moins curieusement observés. Le tact est plus obtus chez les malfaiteurs, surtout chez les assassins, d’après les indications de l’esthésiomètre. La sensibilité des deux index gauche et droit est bien plus égale chez eux que chez les personnes normales. Soit chez les normaux, soit chez les criminels, le côté gauche est plus sensible à l’électricité que le côté droit, mais la différence entre la gauche et la droite est plus accusée chez les normaux, ce qui confirme le résultat relatif à l’ambidextrisme. Moindre est la sensibilité électrique des délinquants. Leur insensibilité relative en général peut être due à des blessures du crâne, à des maladies telles que la fièvre typhoïde, ou à l’abus des alcooliques. M. Marro a eu l’idée d’étudier dans les deux catégories de gens qu’il compare les mouvements réflexes des tendons, importants à considérer pour le diagnostic des maladies nerveuses. Ces mouvements, mesurés sur le ligament de la rotule, sont modérés, convenables, 58 fois sur 100 chez les normaux, 45 fois sur 100 chez les autres. Ils sont exagérés 9 fois sur 100 chez les premiers, 21 fois sur 100 chez les seconds. Presque toujours, les délinquants qui présentent cette exagération des réflexes ont des parents aliénés ou alcooliques. Elle explique peut-être l’impulsivité des criminels. Je passe des expériences, sans résultat précis, sur le pouls et la respiration, sur la force des mains mesurée à l’aide du dynamomètre, etc. — À l’égard des facultés intellectuelles, Marro signale l’accord complet des observateurs sur ce point, que l’intelligence moyenne des malfaiteurs est inférieure à celle de la foule honnête. Ils sont aussi bêtes que méchants. — Les diverses formes de l’aliénation mentale donnent lieu à des remarques judicieuses ou profondes. Celle qui conduit le plus fréquemment aux crimes de sang, nous dit-on, est le délire des persécutions ; à ce sujet, on fait observer la difficulté de faire admettre par les juges la réalité de folies sans agitation ni trouble apparent. Transcrivons aussi ce passage sur la folie morale : « Une bonne partie de ceux qui donnent des signes d’autres anomalies mentales avaient commencé par manifester de la folie morale ; et c’est là un caractère à peu près général chez les criminels aliénés, le désordre moral étant chez eux un indice du travail morbide qui plus tard se révélera par le désordre de l’intelligence. Cette antériorité de l’altération du caractère moral relativement au trouble intellectuel s’impose à l’attention de l’observateur. » Elle a un grand sens, à notre avis. Si l’on admet, avec nous, que le sentiment se forme, individuellement ou héréditairement, par un lent dépôt successif de jugements assis, consolidés, stratifiés (en combinaison avec des désirs fixés eux-mêmes), que le