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REVUE GÉNÉRALE.psychologie criminelle

poids et la taille du criminel sont donc inférieurs, surtout le poids ; ce qui signifie peut-être tout simplement que le régime des prisons n’engraisse guère. Bien plus souvent que chez les normaux, il arrive, chez les délinquants, que l’ouverture des bras égale la taille, ce qui est une « grande apertura ». Ici, Lombroso est pleinement confirmé. Mais je ne sais jusqu’à quel point il peut tirer parti de cette confirmation au point de vue de sa théorie atavique, qui découvre dans le malfaiteur des similitudes avec l’animal-homme primitif ; car Marro a observé en même temps que les stupratori, c’est-à-dire la catégorie précisément la plus bestiale, ont les bras courts comme les femmes criminelles.

Les meurtriers ont la main souvent forte et large ; les voleurs et les escrocs, longue et étroite. Les uns et les autres, du reste, se distingueraient des honnêtes gens par la longueur relative de leurs mains. Rien, en cela, de bien notable. — Remarque plus importante : la circonférence cranienne est à peu près égale chez les normaux et chez les malfaiteurs, et l’indice céphalique, c’est-à-dire la brachiocéphalie ou la dolichocéphalie, ne diffère pas entre eux. « Lombroso lui-même, qui, dans ses premiers écrits, avait cru trouver un lien entre l’indice céphalique et les tendances sanguinaires, est revenu sur sa première opinion. » — Mais la capacité cranienne des délinquants, « autant qu’on en peut juger par les mesures extérieures, est inférieure à celle des normaux, et cette infériorité a trait spécialement à la partie antérieure et supérieure plutôt qu’à la portion basilaire. » Aussi le front est-il beaucoup plus étroit et beaucoup plus bas chez les criminels que chez les normaux. Les mâchoires, en revanche, sont beaucoup plus fortes chez ceux-là que chez ceux-ci. Il n’est pas sans intérêt de noter que les délinquants mineurs ont une moindre capacité du crâne que les normaux du même âge, bien qu’ils l’emportent sur ces derniers par la taille et le poids. Ce retard dans le développement du cerveau paraît significatif à notre auteur, et non sans raison. — L’assertion de Lombroso et de Lacassagne relativement aux cheveux touffus et au menton glabre des malfaiteurs est vérifiée. La proportion des imberbes adultes a été trouvée par Marro treize fois plus forte chez les délinquants que chez les honnêtes gens. — Les anomalies corporelles, sous le rapport de leur fréquence relative, donnent lieu à des remarques de grande portée. M. Marro les classe d’après leur origine, démontrée ou probable. Les anomalies d’origine atavique, ou supposée telle (sinus frontaux, front fuyant, yeux obliques, etc.) sont à peu près aussi fréquentes ou aussi rares dans le monde honnête que dans le monde criminel. La différence n’est sensible qu’en ce qui concerne les sinus frontaux. Ce caractère, qui dénote, paraît-il, la puissance respiratoire de l’animal sauvage, est plus répandu parmi les délinquants. — Les anomalies simplement monstrueuses, tératologiques, atypiques, survenues au cours de la vie embryonnaire (déformations du crâne, strabisme, asymétrie faciale, nez de travers, dents mal rangées, oreilles en anse, goitres, hernies, rachitisme, etc.), différencient encore moins que les précé-