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ADAM.pascal et descartes

l’opposition de deux caractères, celui du savant et celui du philosophe.

IV. Problème métaphysique du vide et du plein.

Lors de la visite de Descartes, Pascal allait publier son petit abrégé qui parut au commencement d’octobre 1647 : le permis d’imprimer est du 8 de ce mois. Il en envoya un exemplaire à Descartes, qui était retourné en Hollande, et il y joignit quelques objections contre la matière subtile. Descartes en fut content, comme il le témoigna au P. Mersenne dans une lettre du 13 décembre suivant. Il attendait encore d’autres remarques, que le jeune savant lui avait promises. Mais nous n’avons ni la première lettre de Pascal, ni la seconde, à supposer qu’il en ait écrit deux, ni même la réponse de Descartes au P. Mersenne[1]. Peut-être cependant y a-t-il un moyen de savoir à peu près ce que l’auteur des Nouvelles expériences touchant le vide objectait à celui des Principes de philosophie, qui venaient justement d’être traduits en français cette année 1647.

Aussitôt que l’abrégé parut, un jésuite, le P. Noël, recteur du collège de Clermont à Paris, envoya quelques observations à Pascal. Celui-ci répondit fort promptement par une lettre du 29 octobre[2]. Le P. Noël répliqua, en priant son adversaire, qui était malade, de ne point se donner la peine de répondre une seconde fois. Pascal se tut d’abord. Mais apprenant que la réplique du P. Noël circulait parmi les savants, et qu’on donnait à son silence une interprétation fâcheuse, il commença une courte apologie, adressée à un vieil ami de la famille, M. Le Pailleur ; puis, comme le P. Noël publiait en outre un petit écrit intitulé Le plein du vide, où feignant de prendre à parti le P. Magni, capucin de Pologne, c’était Pascal, en réalité, qu’il attaquait, celui-ci n’en fut que plus animé à se défendre. Son père même, non moins ému que lui, écrivit de Rouen une longue lettre à l’agresseur, sur un ton d’autorité, que lui permettait son âge, son savoir éprouvé, enfin son légitime ressentiment. Nous avons toutes les pièces de ce singulier débat, où jésuite et capucin, savants et religieux, hommes d’église et hommes du monde se trouvaient aux prises.

  1. Nous savons que Descartes écrivit à Mersenne le 13 décembre 1647, sur le sujet du vide, par Baillet, qui avait la lettre manuscrite sous les yeux (t.  II, p. 330 de la Vie de M. Descartes, Paris, 1691).
  2. Cette lettre de Pascal au P. Noël ne fut imprimée pour la première fois qu’en 1779, dans l’édition Bossut, sans autre date que 1647. La date du 29 octobre est donnée par Baillet, d’après le manuscrit même de la lettre (t.  II, p. 285 de la Vie de M. Descartes).