Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/621

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
617
ADAM.pascal et descartes

Mais un ami de celui-ci voulut lui assurer également la gloire à laquelle il avait droit, et, sans même lui en parler, il publia, sur l’ordre du chancelier Séguier, au mois de novembre 1647, la lettre écrite un an auparavant à M. Chanut, « parce qu’elle fait partie, disait-il, de l’histoire de cette nouveauté, et que l’auteur est comme le premier mobile qui a donné le branle à tout ce qui s’est fait et dit depuis sur cette matière. » En même temps il imprima le livre venu de Pologne, pour montrer que l’expérience du P. Magni (juillet 1647) avait été faite neuf mois après celle de M. Petit à Rouen (octobre 1646), « pendant lesquels, ajoutait-il, on en pourrait avoir porté les nouvelles à la Chine[1]. »

II. Querelle des anciens et des modernes.

D’ailleurs, au point de vue scientifique, tandis qu’en France ceux-là même qui croyaient à l’existence du vide absolu, comme Gassendi, partisan des atomes, ne pensaient pas toutefois que les nouvelles expériences en fussent la preuve manifeste[2], le P. Magni avait été beaucoup plus hardi et plus téméraire dans ses affirmations. Il sou-

    anno 1647, die 12 sept. — 2o Expériences nouvelles touchant le vide, dédié à M. Pascal, conseiller du roi en ses conseils d’État et privé par le sieur B. P. son fils (Paris, 1647). Le permis d’imprimer est du 8 octobre 1647. — Ces dates sont embarrassantes, quand on se reporte à ce que Pascal écrivait à M. de Ribeyre, le 12 juillet 1651 : accusé indirectement par un jésuite de Montferrand de s’être dit l’inventeur d’une certaine expérience « dont Torricelli est l’auteur, et qui a été faite en Pologne », ce jésuite, dit-il, saura « que je fis cette expérience en l’année 1646 ; que cette même année j’y en ajoutai beaucoup d’autres ; qu’en 1647 je fis imprimer le récit de toutes ; que mon imprimé fut envoyé en Pologne comme ailleurs, en la même année 1647 ; et qu’un an après mon écrit imprimé, le P. Valerien fit en Pologne cette expérience de Torricelli ; ….. qu’enfin il est indubitable qu’il ne l’avait faite que sur l’énonciation qu’il en avait vue dans mon imprimé envoyé en Pologne. » — Pascal se trompe ici, et, en réalité, la dissertation du capucin parut quelques semaines avant son abrégé. Mais il a raison de maintenir ses droits de priorité et de faire remarquer surtout que « le P. Valerien n’a fait aucune chose que répéter l’expérience de Torricelli, sans rien y ajouter de nouveau », tandis que Pascal apportait nombre d’expériences nouvelles.

  1. Le titre complet de l’opuscule est : Observation touchant le vide, etc. (voir plus haut, p. 613), avec le discours qui a été imprimé en Pologne sur le même sujet en juillet 1647 (Paris, 1647, in-4o). La pagination est la même pour la lettre de Petit (pp. 1-25) et le discours du P. Magni (pp. 25-68 inclus). Le privilège est du 12 nov. 1647. Ces deux pièces réunies sont la meilleure justification de Pascal contre les calomnies du jésuite de Montferrand, et on ne comprend pas qu’il ne les ait pas citées plutôt que son Abrégé dans la lettre à M. de Ribeyre.
  2. Gassendi n’osait assurer que cet espace fût absolument vide, puisque la lumière et la chaleur le traversent. « Pronunciare non ausim, esse illud spatium penitus inane, quale scilicet Mundum esse Inane concipitur,…quippe lux imprimis….. capacitatem illam pervadit. » (Gassendi, Opera omnia, t.  I, p. 204, col. 1, Lyon, 1658.)