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BINET.vie psychique des micro-organismes

parce qu’il a reçu du noyau une impulsion qui ne s’est pas encore épuisée ; mais au bout de quelque temps, l’impulsion donnée par le noyau ne s’étant pas renouvelée, le protoplasma s’arrête et se détruit.

Au point de vue psychique, qui nous intéresse ici plus particulièrement, comment doit-on interpréter les résultats de ces expériences de vivisection cellulaire ? Lorsqu’on voit un fragment d’organisme, dépourvu de noyau, qui continue à se mouvoir librement, et avec la même activité que s’il possédait encore son noyau, on doit admettre que les phénomènes de la vie de relation, le mouvement et la sensibilité, ont pour siège le protoplasma. Mais il est probable que ces propriétés physiologiques, comme les propriétés de nutrition, ne sont pas inhérentes au protoplasma ; elles dépendent étroitement de l’existence du noyau, car elles s’effacent peu à peu et finissent par disparaître quelques jours après l’ablation du noyau[1].

Nous remarquerons en passant qu’il existe, certaines propriétés psychiques que le noyau paraît ne pas communiquer au protoplasma, mais qu’il conserve en propre ; il en est ainsi pour l’instinct de la génération. On a vu plus haut que, pendant les épidémies de conjugaison, les Paramécies dont le noyau est envahi par des parasites cessent de chercher à se conjuguer avec des animaux de la même espèce. La destruction de leur noyau par les Bactéries produit sur les Paramécies l’effet d’une véritable castration.

Ainsi la suppression du noyau entraîne altération des fonctions suivantes, et dans l’ordre chronologique suivant :

1o Propriété régénératrice et reproductrice du plasma ;

2o Vitalité du plasma et fonctions psychiques.

Le psychologue remarquera avec intérêt que la fonction psychique du protoplasma survit pendant un temps appréciable à sa fonction régénératrice ; un fragment de cellule qui, déformé par la section, ne parvient pas à régulariser son contour, à sécréter une cuticule nouvelle et à régénérer les organes perdus, est cependant encore capable de ressentir les impressions et d’y répondre par des mouvements. La vie psychique est donc une propriété de la matière vivante qui paraît moins complexe que la propriété régénératrice, puisqu’elle meurt plus tard.

En résumé, le noyau a dans la cellule le rôle primordial ; si, reprenant une vieille comparaison d’Aristote, on compare le protoplasma

  1. Le point délicat est de savoir si les propriétés psychiques du protoplasma sont détruites par un effet direct de la désorganisation du plasma, ou disparaissent un peu avant cette désorganisation et par suite de l’absence du noyau.