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consistent dans une rotation du corps sur lui-même ; puis l’animal devient immobile et meurt par diffluence.

Ces altérations ne sont pas dues, comme on pourrait le croire, à un défaut d’alimentation, car les fragments qui ont une bouche et qui avalent des aliments se comportent de même que les fragments sans bouche[1].

Il n’est pas besoin d’insister sur l’importance de ces résultats, fournis par une méthode qu’on peut appeler la physiologie expérimentale appliquée aux organismes unicellulaires. Bien que les expériences aient porté uniquement sur des Infusoires ciliés, on peut en étendre les résultats à toutes les cellules, car les Infusoires ne sont autre chose que des cellules autonomes, vivant d’une vie indépendante.

La conclusion des dernières recherches de M. Balbiani, qui, comme on le voit, dépassent de beaucoup celles de Gruber, c’est que le noyau n’est pas seulement nécessaire à la régénération des parties, comme le croyait le professeur allemand. L’erreur commise par Gruber provient de ce qu’il n’a pas suivi assez longtemps la destinée des fragments privés de noyau ; s’il avait continué l’observation, il aurait vu que le fragment se désorganise graduellement. Le noyau n’a donc pas seulement une propriété plastique, il ne préside pas seulement au maintien, à la régularisation de la forme du corps et à la cicatrisation des plaies ; il n’a pas seulement une propriété régénératrice, permettant au plasma de refaire de toutes pièces les organes qu’il a perdus par le sectionnement artificiel. Le noyau est de plus un facteur essentiel de la vitalité du plasma ; si on prive un fragment du protoplasma de son noyau, ce fragment continue à vivre pendant quelque temps, puis il se désorganise.

Ce sont là des faits extrêmement complexes et qu’il est par conséquent difficile de résumer dans une formule.

Sans doute on ne peut pas considérer le protoplasma comme une matière inerte ; mais ce qui paraît probable, c’est que le protoplasma reçoit du noyau la communication, la délégation des propriétés physiologiques ; le noyau est en quelque sorte le foyer de la vie sous toutes ses formes.

Si par une section artificielle on supprime le noyau, le fragment de protoplasma énucléé continue à vivre pendant quelque temps,

  1. Sur notre demande, M. Balbiani nous a appris que les fragments de Cyrtostome munis d’un noyau peuvent être conservés vivants beaucoup plus longtemps dans les mêmes conditions (c’est-à-dire dans une goutte d’eau placée sur une lame de verre que l’on met dans la chambre humide de Malassez) : on peut en conserver ainsi de vivants pendant un mois, en introduisant dans le liquide quelques Infusoires qui leur servent de nourriture. Au contraire, les fragments privés de noyau par la section ne vivent que huit jours au plus.