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BINET.vie psychique des micro-organismes

de la plaie ; l’animal peut ainsi se vider tout entier et meurt par diffluence. Il arrive parfois que l’animal se vide partiellement et que le noyau s’échappe avec une petite quantité du protoplasma. Si la plaie se rétracte, on obtient un fragment qui s’est énucléé lui-même.

Nous ne parlerons point de la façon dont se comporte le fragment pourvu du noyau ; il y a ici concordance complète avec ce qui a été observé chez les Stentors ; le fragment se régénère rapidement et reforme un animal complet.

Parlons plus longuement du fragment sans noyau. Il continue à vivre quelque temps : on en a gardé vivants jusqu’à huit jours ; mais le fragment ne se régénère pas, il ne régularise même pas sa forme ; la partie du corps correspondant à la section conserve sa troncature oblique. Au début, pendant les premiers jours, les mouvements continuent ; fait curieux, les fragments continuent à se mouvoir dans le sens où ils se seraient mus s’ils étaient placés sur un individu complet. Les cils vibratiles ne sont nullement altérés, ils s’agitent avec la même vivacité qu’avant la section. Il y a seulement un peu d’irrégularité dans les mouvements, mais ces mouvements sont aussi volontaires que chez les individus normaux. La vésicule continue à se contracter.

La préhension des aliments [est également conservée quand le fragment sans noyau contient la bouche ; la bouche ingère des aliments ; si l’on donne au Cyrtostome des grains de fécule de pomme de terre, dont il est très friand, ce fragment sans noyau, mais muni d’une bouche, avale ces grains et s’en bourre. On ne sait pas s’il les digère.

Voilà ce que l’on observe dans les premiers temps, et Gruber a eu tort de s’arrêter là.

Au bout d’un temps variant entre le troisième et le cinquième jour on constate dans le fragment des altérations de structure qui sont probablement sous l’influence de l’absence du noyau. Une des premières altérations est une disparition de la différenciation que nous avons signalée entre l’endoplasme et l’ectoplasme. Les granulations sombres qui remplissent l’intérieur du corps se concentrent au milieu en laissant libre la partie périphérique ; puis ces granulations se dispersent et arrivent jusque sous la cuticule, ce qui indique une déliquescence du plasma. La couche des trichocystes s’altère et disparaît. Toutes ces altérations résultent d’une véritable désorganisation du plasma. La vésicule contractile se rapetisse, ses battements deviennent rares, les canaux rayonnants disparaissent. Le corps de l’animal, normalement allongé, s’arrondit ; ses mouvements se ralentissent et