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M. Balbiani a voulu s’assurer de ce qui se produisait quand on opère la division pendant l’état de conjugaison.

On sait que la conjugaison a pour but de remplacer un élément ancien, usé, qui a perdu ses propriétés physiologiques, par un élément de nouvelle formation, provenant d’un noyau d’attente (nucléole) échangé entre les individus conjugués. Il s’agissait de voir si le noyau qui va disparaître a perdu sa propriété régénératrice. Chez les Stentors, pendant la conjugaison, cet ancien noyau se disloque, ses globules nucléaires se dispersent dans tous les points du protoplasma. Quand les choses sont dans cet état, on divise le corps d’un des Stentors de telle sorte que le fragment contienne quelques-uns de ces globules dispersés qui proviennent de l’ancien noyau. Il est bien entendu que c’est tout à fait par hasard qu’on arrive à obtenir un tel fragment.

Dans une expérience, que nous citons encore comme type de beaucoup d’autres, le fragment contenant des éléments du vieux noyau tend à se régénérer ; ce fragment, qui représente la partie postérieure de l’animal, présente le lendemain un rudiment de péristome ; la régénération ne va pas plus loin : elle est incomplète. Ainsi le noyau ancien perd sa faculté régénératrice.

En ce qui concerne les phénomènes qui se produisent dans le fragment sans noyau, M. Balbiani a fait faire un pas décisif à la question ; il a complété les expériences de Gruber, il les a même corrigées, et il est parvenu à des conclusions sensiblement différentes.

Pour connaître d’une façon plus approfondie ces phénomènes liés à l’absence du noyau, l’auteur s’est adressé à une autre espèce, le Cyrtostomum leucas, qui a l’avantage de pouvoir être conservé plus longtemps que le Stentor en vie sur une lame de verre portant une goutte d’eau. Le Cyrtostome est un gros Infusoire cilié qui a plus de 4 dixièmes de millimètre de long. Son protoplasma se différencie en deux couches, dont l’une, corticale, contient des trichocystes très robustes ; l’autre, l’endoplasme, renferme des matières alimentaires. L’animal présente sur une de ses faces une bouche ayant la forme d’une boutonnière longitudinale, et sur l’autre face une vésicule contractile d’où rayonnent des canaux flexueux et anastomosés. Il est facile, en faisant une division transversale, d’obtenir des fragments sans noyau, le noyau du Cyrtostome étant formé d’une seule masse arrondie. Mais ce qui est difficile, c’est d’obtenir des fragments viables, car cet animal a un ectoplasme épais, et, quand on fait une section, cette couche peu rétractile ne revient pas sur elle-même pour reboucher la plaie ; les bords restent écartés, l’eau vient en contact avec l’endoplasme qui se boursoufle, champignonne et sort