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individus de l’Actinophrys sol qui absorbaient la’nourriture, se déplaçaient dans le liquide, et même se fusionnaient entre eux (zygose) et cependant étaient dépourvus de noyau[1].

L’idée vint alors à Gruber, ainsi qu’à Nussbaum, de diviser artificiellement des Micro-organismes en plusieurs fragments dont les uns contiendraient un noyau et les autres n’en contiendraient pas, afin de voir ce qu’il en adviendrait. Gruber, dont les expériences sont les plus importantes, choisit comme sujet d’étude le Stentor cœruleus, Infusoire cilié de grande taille, qui présente un noyau en forme de chapelet (moniliforme). Il porta ensuite ses essais sur d’autres espèces, et il conclut que le pouvoir de régénérer les parties perdues appartient à tous les Protozoaires, mais que ce phénomène n’a lieu que lorsque le fragment isolé contient une quantité quelconque du noyau ; dans ce cas, l’animal reforme tous les organes qu’il avait perdus par suite de la section. De plus, le processus de formation de ces organes est absolument le même que dans la division spontanée de ces Infusoires. L’excitation produite par l’ablation est donc de même nature que l’excitation inconnue qui provoque la division naturelle du corps.

Par ces expériences, le rôle du noyau apparaissait avec une évidence complète. Dans une seule circonstance, Gruber constata qu’un fragment sans noyau pouvait se régénérer : c’est quand ce fragment contenait un organe en voie de formation, par exemple pendant la division spontanée de l’animal. Ceci revenait à dire que la présence du noyau est nécessaire pour donner l’impulsion à la formation de l’organe, mais qu’il n’est pas nécessaire à l’achèvement de l’organe lorsque l’impulsion a été une fois donnée.

Enfin, si le fragment est totalement dépourvu de noyau, il ne se régénère pas de façon à constituer un animal complet ; si le fragment ne possède pas de bouche ni de péristome, il ne se reforme pas une bouche nouvelle et un péristome nouveau ; mais les fragments continuent à vivre et à se mouvoir. L’absence de noyau ne suspend pas les fonctions de mouvement, de sensibilité, de nutrition et de croissance. C’est là, croyons-nous, une conclusion trop générale, ainsi qu’on le verra plus loin.

Dernièrement, M. Balbiani[2] a repris ces expériences de division artificielle, et, tout en confirmant dans leur ensemble les résultats de Gruber sur la fonction du noyau dans les phénomènes vitaux des Infusoires ciliés, il s’est attaché à préciser davantage un certain

  1. La communication fut faite au Biologisches Centralblatt, 1885, p. 73.
  2. Nous prenons ici pour guide, avec l’autorisation de M. Balbiani, les leçons orales que l’éminent professeur a faites au Collège de France en mai 1887.