Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 24.djvu/600

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
596
revue philosophique

d’altération ; la segmentation ultérieure de l’œuf est irrégulière, et le développement s’arrête.

La membrane dont l’œuf fécondé s’entoure est constituée, chez l’Asterias glacialis, par une condensation de la couche périphérique du vitellus ; cette condensation débute autour du point de pénétration du spermatozoïde et gagne de proche en proche toute la surface de l’œuf ; la formation de cette membrane protectrice est si rapide qu’elle ferme l’accès de l’œuf à des spermatozoïdes qui seraient en retard de quelques secondes seulement sur le premier.

Il s’opère donc une sélection sexuelle entre les spermatozoïdes, ainsi qu’entre tous les animaux ; c’est le spermatozoïde le plus agile, le plus robuste qui arrive le premier dans l’œuf et opère la fécondation ; la fécondation est le prix de la course. Les lois de la sélection, si bien développées par Darwin, ne s’appliquent pas seulement aux individus, elles s’appliquent aussi aux éléments sexuels.

Nous ne pouvons pas suivre les modifications successives de la tête du spermatozoïde après son entrée dans l’œuf ; disons seulement que cette tête présente l’aspect d’une figure radiée, d’un petit soleil, qui s’avance vers le noyau femelle. À ce moment, le noyau femelle paraît impressionné et se met en mouvement vers le noyau spermatique. Les deux noyaux arrivent bientôt presque au contact, et c’est surtout le noyau femelle qui joue alors le rôle actif. Il est animé de mouvements incessants, il change de forme à chaque instant ; il pousse des prolongements vers le noyau mâle, et l’un de ces prolongements s’y fixe en présentant à son extrémité une petite dépression en forme de cupule qui reçoit le noyau mâle, et, en exécutant des mouvements actifs, les deux noyaux se fusionnent. Ainsi se produit le premier noyau de segmentation.

Selenka a donné des indications chronologiques intéressantes sur le moment d’apparition de ces divers phénomènes. Le temps est toujours pris depuis le moment de la fécondation artificielle. Cinq minutes après, le spermatozoïde a pénétré dans l’œuf. Au bout de dix minutes (c’est-à-dire cinq minutes après son entrée) il est arrivé au centre de l’œuf. À la douzième minute, le noyau femelle s’est mis en mouvement pour aller au devant du noyau spermatique. Enfin, à la vingtième minute, les deux noyaux se sont rejoints[1].

Dans l’histoire psychologique que nous venons de retracer de la fécondation animale, il existe beaucoup de lacunes : l’histoire de la fécondation végétale en comblera quelques-unes.

  1. M. Balbiani, Cours sur la fécondation, passim. Journal de Micrographie, t.  III, 1879.