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qui cherche à se rapprocher de la femelle présentent un caractère particulier sur lequel il est utile d’insister : ces mouvements ne paraissent pas, comme ceux des Micro-organismes, provoqués directement par un objet extérieur ; le spermatozoïde cherche à se rapprocher d’un ovule qui est souvent situé à une grande distance ; c’est ce qui se présente spécialement chez les animaux à fécondation interne, les oiseaux et les mammifères. Le lieu de la fécondation est encore mal connu. Coste admettait autrefois que la rencontre de l’œuf et du spermatozoïde se fait dans l’ovaire. Il est probable que la fécondation s’opère dans la première portion de l’oviducte. Mais peu nous importe la solution précise de cette délicate question. Ce qu’il est intéressant de remarquer d’une façon générale, c’est la longueur du chemin que le spermatozoïde doit parcourir avant d’arriver à l’ovule.

Suivons maintenant le spermatozoïde dans sa pérégrination jusqu’à l’ovule ; on sait que le chemin qu’il a à parcourir est, dans certains cas, extrêmement long, surtout chez les animaux à fécondation interne. Ainsi, chez la poule, l’oviducte a 60 centimètres de longueur, et, chez les grands mammifères, les trompes mesurent de 25 à 30 centimètres. On peut se demander comment des êtres aussi frêles et aussi petits ont par eux-mêmes la force de locomotion suffisante pour parcourir un aussi long trajet. Mais l’observation révèle qu’ils peuvent surmonter certains obstacles disproportionnés avec leur taille. Henle a vu des spermatozoïdes entraîner, sans que leur mouvement en fût pour ainsi dire ralenti, des agglomérations de cristaux dix fois plus grosses qu’eux. F.-A. Pouchet les a vus transporter des groupes de 8 à 10 globules sanguins. M. Balbiani a constaté le même fait ; ces globules qui se sont agglutinés autour de la tête du spermatozoïde ont chacun un volume double de cette tête ; or, d’après Welcker, le poids d’un globule sanguin de l’homme est de 0,00008 de milligramme : en admettant que le spermatozoïde a le même poids, on peut dire que le spermatozoïde peut transporter des fardeaux pesant quatre ou cinq fois plus que lui.

Ce n’est pas seulement la longueur de la pérégrination qui est remarquable, ce sont les détours et les complications du chemin à suivre pour arriver jusqu’à l’ovule. On a fait à ce sujet une observation intéressante sur le papillon du ver à soie. « Au moment de l’accouplement, le mâle dépose sa liqueur séminale dans une poche spéciale, la poche copulatrice. Le lendemain, cette poche, qui était distendue par le sperme, est complètement flasque, et presque tous les spermatozoïdes ont émigré dans une autre poche, qui débouche dans l’oviducte, en face de la première, et là ils attendent les œufs au pas-