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BINET.vie psychique des micro-organismes

Un autre fait bien digne de remarque, c’est que l’accouplement des deux éléments sexuels n’est pas sans offrir une grande analogie avec l’accouplement des deux animaux dont ces éléments dérivent ; le spermatozoïde et l’ovule refont en quelque sorte en petit ce que font les deux individus en grand. Ainsi, c’est le spermatozoïde qui, en sa qualité d’élément mâle, va à la recherche de la femelle. Il possède, en vue du chemin à parcourir, des organes locomoteurs qui manquent et sont inutiles à la femelle. Le spermatozoïde de l’homme et d’un grand nombre de mammifères est muni d’une longue queue dont l’extrémité décrit un mouvement circulaire conique, ce qui détermine la progression du spermatozoïde, avec rotation autour de son axe. On observe ce même mode de progression chez les zoospores des Algues, et chez les Mastigophores, qui sont munis d’un flagellum ; on a comparé avec raison les mouvements du spermatozoïde à ceux d’un Flagellé.

D’autres spermatozoïdes, comme ceux des Tritons, de l’Axolotl, sont munis d’un appareil locomoteur différent ; il consiste dans une membrane ondulante qui fonctionne comme une véritable nageoire ; le spermatozoïde s’avance sans tourner sur son axe.

On a beaucoup discuté sur la nature des forces qui expliquent les mouvements des éléments fécondateurs. Les anciens observateurs qui en faisaient des animalcules, leur attribuaient naturellement des mouvements spontanés et volontaires. Depuis que l’on ne considère plus le spermatozoïde que comme un élément histologique, on a admis des actions endosmotiques, hygroscopiques, etc. M. Balbiani, à qui nous empruntons les détails précédents, remarque que cette explication n’en est pas une ; car, en dernière analyse, toute espèce de mouvement peut se ramener à une action chimique ou physique, le mouvement sarcodique ou ciliaire tout aussi bien que le mouvement volontaire. « Pour ma part, ajoute le savant auteur, je pense que les spermatozoïdes ne se meuvent pas aveuglément, mais qu’ils obéissent à une sorte d’impulsion intérieure, de volonté qui les dirige vers un but déterminé[1]. » Des expériences de M. Balbiani ont démontré qu’avec des solutions faibles d’éther et de chloroforme on peut ralentir et faire cesser les mouvements des spermatozoïdes assez lentement pour qu’ils puissent encore féconder les œufs.

En résumé, l’élément spermatique, en se dirigeant vers l’ovule qu’il doit féconder, est animé par le même instinct sexuel qui dirige l’être complet vers sa femelle.

Chez les animaux supérieurs, les mouvements du spermatozoïde

  1. La Génération des vertébrés, p. 159.